Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/461

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dans sa rigueur entière, n’était-ce pas blesser tout le monde ? Il y fallait des ménagements. D’autre part, si l’on en gardait trop, le système même était en péril. On essaya de recourir, pour éviter le double écueil, à la logique et à la subtilité si admirables de la politique brahmanique.

Il fut établi que, dans la règle, le fils d’un kschattrya et d’une brahmani ne pourrait être ni roi ni prêtre. Participant, tout à la fois, des deux natures, il serait le barde et l’écuyer des rois. En tant que brahmane dégénéré, il pourrait être savant dans l’histoire, connaître les poésies profanes, en composer lui-même, les réciter à son maître et aux kschattryas rassemblés. Pourtant il n’aurait pas le caractère sacerdotal, il ne connaîtrait pas les hymnes liturgiques, et l’étude directe des sciences sacrées serait interdite à son intelligence. Comme kschattrya incomplet, il aurait le droit de porter les armes, de monter à cheval, de diriger un char, de combattre, mais en sous-ordre, et sans espoir de commander jamais lui-même à des guerriers. Une grande vertu lui fut réservée : ce fut l’abnégation. Accomplir des exploits pour son prince et s’oublier en chantant les traits de valeur des plus braves, tel fut son lot ; on l’appelait le soûta. Aucune figure héroïque des épopées hindoues n’a plus de douceur, de grâce, de tendresse et de mélancolie. C’est le dévouement d’une femme dans le cœur indomptable d’un héros (1)[1].

Une fois le principe admis, les applications en devenaient constantes, et, en dehors des quatre castes légales, le nombre des associations parasites allait devenir incommensurable (2)[2]. Il le devint tellement, les combinaisons se croisant formèrent un réseau si inextricable, que l’on peut considérer aujourd’hui, dans l’Inde, les castes primitives comme presque étouffées sous les ramifications prodigieuses auxquelles elles ont donné naissance,




est venue quand le mal s’était déjà beaucoup développé. Elle n’est cependant pas inutile.

(1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 480. — Le soutâ est le véritable prototype de l’écuyer de la chevalerie errante, du Gandolin ou Gwendolin d’Amadis.

(2) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 196.


  1. (1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 480. — Le soutâ est le véritable prototype de l’écuyer de la chevalerie errante, du Gandolin ou Gwendolin d’Amadis.
  2. (2) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 196.