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féodales et sauver la cause unitaire dont il était le promoteur, voulut étouffer les anciennes idées, fit brûler la plupart des livres, et ne consentit à sauver que les annales de la dynastie princière de Tsin, dont lui-même descendait. Cet événement arriva 207 ans avant J.-C.

Depuis cette époque, les faits sont bien détaillés, suivant la méthode chinoise. Je n’en goûte pas moins l’observation d’un savant missionnaire, qui voudrait voir dans ces lourdes compilations un peu plus de critique européenne (1)[1]. Quoi qu’il en soit, à dater de ce moment, tout s’enchaîne tant bien que mal. Quand on veut remonter au-delà, il n’en est pas longtemps de même. Tant qu’on reste dans les temps rapprochés de Tsin-chi-hoang-ti, la clarté continue en s’affaiblissant. On remonte ainsi, de proche en proche, jusqu’à l’empereur Yaô. Ce prince régna cent et un ans, et son avènement est placé à l’an 2357 avant J.-C. Par delà cette époque, les dates, déjà fort conjecturales, sont remplacées par une complète incertitude (2)[2]. Les lettrés ont prétendu que cette fâcheuse interruption d’une chronique dont les matériaux, suivant eux, pourraient remonter aux premiers jours du monde, n’est que la conséquence de ce fameux incendie des livres, déploré de père en fils, et devenu un des beaux sujets d’amplification que la rhétorique chinoise ait à commandement. Mais, à mon gré, ce malheur ne suffit pas pour expliquer le désordre des premières annales. Tous les peuples de l’ancien monde ont eu leurs livres brûlés, tous ont perdu la chaîne systématique de leurs dynasties en tant que les livres primitifs devaient en être les dépositaires, et cependant tous ces peuples ont conservé assez de débris de leur histoire pour que, sous le souffle vivifiant de la critique, le passé se relève, se remue, ressuscite, et, se



(1) Le père Gaubil, Chronologie chinoise.

(2) Suivant M. Lassen, il ne faut pas demander d’histoire positive aux Chinois avant l’année 782 qui précéda notre ère. Toutefois, ce même savant confesse que l’avènement de la première dynastie humaine peut être reporté, avec une grande vraisemblance, à l’année 2205 av. J.-C. (Indische Alterthumskunde, t. I, p. 751.) — Nous voilà loin des dates extraordinaires des annales hindoues, égyptiennes et assyriennes.


  1. (1) Le père Gaubil, Chronologie chinoise.
  2. (2) Suivant M. Lassen, il ne faut pas demander d’histoire positive aux Chinois avant l’année 782 qui précéda notre ère. Toutefois, ce même savant confesse que l’avènement de la première dynastie humaine peut être reporté, avec une grande vraisemblance, à l’année 2205 av. J.-C. (Indische Alterthumskunde, t. I, p. 751.) — Nous voilà loin des dates extraordinaires des annales hindoues, égyptiennes et assyriennes.