Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/522

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L’autorité est donc, de fait, assez bornée, car je n’ai pas besoin de dire que, dans cet empire, dont les principes gouvernementaux n’ont jamais varié, quant à l’essentiel, ce qui était considéré comme bon autrefois est devenu, pour cela seul, meilleur aujourd’hui. La tradition est toute-puissante (1)[1], et c’est déjà une tyrannie, dans un empereur, que de s’éloigner, pour le moindre détail, de l’usage suivi par les ancêtres. Bref, le Fils du ciel peut tout, à condition de ne rien vouloir que de déjà connu et approuvé.

Il était naturel que la civilisation chinoise, s’appuyant, à son début, sur des peuples malais, et plus tard sur des agglomérations de races jaunes, mélangées de quelques Arians, fût invinciblement dirigée vers l’utilité matérielle (2)[2]. Tandis que, dans les grandes civilisations du monde antique occidental, l’administration proprement dite et la police n’étaient que des objets fort secondaires et à peine ébauchés, ce fut, en Chine, la grande affaire du pouvoir, et on rejeta tout à fait sur l’arrière-plan les deux questions qui ailleurs l’emportaient : la guerre et les relations diplomatiques.

On admit en principe éternel que, pour que l’État se maintînt dans une situation normale, il fallait que les vivres s’y trouvassent abondamment, que chacun pût se vêtir, se nourrir et se loger ; que l’agriculture reçût des encouragements perpétuels, non moins que l’industrie ; et, comme moyen suprême



(1) « En Chine, l’empire n’a pas passé d’un peuple à l’autre, et les traditions sont restées nécessairement plus familières et ont pénétré plus profondément dans les esprits que chez nous. » (Jules Mohl, Rapport fait à la Société asiatique, 1851, p. 85.)

(2) J’ai mentionné plus haut que des infiltrations blanches, assez importantes, avaient gagné la Chine, à différentes époques. Cependant l’avantage du nombre reste toujours à la race jaune, d’abord parce que le fond primitif lui appartient, ensuite parce que des immigrations mongoles se sont effectuées, de tout temps, qui ont augmenté la force de la masse nationale. C’est ainsi qu’une invasion de Tartares, considérée comme la première, avait lieu en 1531 avant J.-C. (Gaubil, Chronologie chinoise, p. 28.) — C’est encore ainsi que de la Sibérie venait, en 398 de notre ère, la dynastie des Weï. Je n’insiste pas trop sur ce dernier fait, que pourrait bien recouvrir une immixtion de métis blancs et jaunes. (A. de Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 27.)


  1. (1) « En Chine, l’empire n’a pas passé d’un peuple à l’autre, et les traditions sont restées nécessairement plus familières et ont pénétré plus profondément dans les esprits que chez nous. » (Jules Mohl, Rapport fait à la Société asiatique, 1851, p. 85.)
  2. (2) J’ai mentionné plus haut que des infiltrations blanches, assez importantes, avaient gagné la Chine, à différentes époques. Cependant l’avantage du nombre reste toujours à la race jaune, d’abord parce que le fond primitif lui appartient, ensuite parce que des immigrations mongoles se sont effectuées, de tout temps, qui ont augmenté la force de la masse nationale. C’est ainsi qu’une invasion de Tartares, considérée comme la première, avait lieu en 1531 avant J.-C. (Gaubil, Chronologie chinoise, p. 28.) — C’est encore ainsi que de la Sibérie venait, en 398 de notre ère, la dynastie des Weï. Je n’insiste pas trop sur ce dernier fait, que pourrait bien recouvrir une immixtion de métis blancs et jaunes. (A. de Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 27.)