Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/593

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masses asiatiques, mais non les relever, et, d’après ce fait incontestable, leur puissance même, leur prépondérance politique ne devait durer que le temps assez court où il leur serait possible de maintenir intacte une existence nationale isolée.

J’ai parlé déjà de leur nombre restreint, et je recours là-dessus à l’autorité d’Hérodote. Lorsque l’historien trace, dans son VIIe livre, cet admirable tableau de l’armée de Xerxès traversant l’Hellespont, il déploie le magnifique dénombrement des nations appelées en armes par le grand roi, de toutes les parties de ses vastes États. Il nous montre des Perses ou des Mèdes commandant aux troupeaux de combattants qui passent les deux ponts du Bosphore en pliant le dos sous les coups de fouet de leurs chefs iraniens. À part ces chefs de noble essence, gourmandant les esclaves que la victoire enchaînait sous leurs ordres, combien Hérodote énumère-t-il de soldats parmi les Mèdes proprement dits ? Combien de guerriers zoroastriens dans cette levée de boucliers que le fils de Darius avait voulu rendre si formidable ? Je n’en aperçois que 24 000, et qu’était-ce qu’un tel faisceau dans une armée de dix-sept cent mille hommes ? Au point de vue du nombre, rien ; à celui du mérite militaire, tout : car, si ces 24 000 Iraniens n’avaient pas été paralysés, dans leurs mouvements, par la cohue de leurs inertes auxiliaires, il est bien probable que la muse de Platée aurait célébré d’autres vainqueurs. Quoi qu’il en soit, puisque la nation régnante ne pouvait fournir des soldats en plus grande quantité, elle était peu considérable et ne pouvait suffire à la tâche de régénérer la masse épaisse des populations asiatiques. Elle n’avait donc que la perspective d’un seul avenir : se corrompre elle-même en s’engloutissant bientôt dans leur sein.

On ne découvre pas trace d’institutions fortes, destinées à créer une barrière entre les Iraniens et leurs sujets. La religion en aurait pu servir, si les mages n’avaient été animés de cet esprit de prosélytisme particulier à toutes les religions dogmatiques, et qui leur valut, bien des siècles après, la haine toute spéciale des musulmans. Ils voulurent convertir leurs sujets assyriens. Ils parvinrent à les arracher, en grande partie, aux atrocités religieuses des anciens cultes. Ce fut un succès presque