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Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/64

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CHAPITRE IV.

De ce qu’on doit entendre par le mot dégénération ; du mélange des principes ethniques, et comment les sociétés se forment et se défont.

Pour peu que l’esprit des pages précédentes ait été compris, on n’en aura pas conclu que je ne donnais aucune importance aux maladies du corps social, et que le mauvais gouvernement, le fanatisme, l’irréligion, ne constituaient, à mes yeux, que des accidents sans portée. Ma pensée est certainement tout autre. Je reconnais, avec l’opinion générale, qu’il y a bien lieu de gémir lorsque la société souffre du développement de ces tristes fléaux, et que tous les soins, toutes les peines, tous les efforts que l’on peut appliquer à y porter remède, ne sauraient être perdus ; ce que j’affirme seulement, c’est que si ces malheureux éléments de désorganisation ne sont pas entés sur un principe destructeur plus vigoureux, s’ils ne sont pas les conséquences d’un mal caché plus terrible, on peut rester assuré que leurs coups ne seront pas mortels, et qu’après une période de souffrance plus ou moins longue, la, société sortira de leurs filets peut-être rajeunie, peut-être plus forte.

Les exemples allégués me semblent concluants ; on pourrait en grossir le nombre à l’infini ; et c’est pour cette raison sans doute que le sentiment commun a fini par sentir l’instinct de la vérité. Il a entrevu qu’en définitive il ne fallait pas donner aux fléaux secondaires une importance disproportionnée, et qu’il convenait de chercher ailleurs et plus profondément les raisons d’exister ou de mourir qui dominent les peuples. Indépendamment donc des circonstances de bien-être ou de malaise, on a commencé à envisager la constitution des sociétés en elle-même, et on s’est montré disposé à admettre que nulle cause extérieure n’avait sur elle une prise mortelle, tant qu’un principe destructif né d’elle-même et dans son sein, inhérent, attaché à ses entrailles, n’était pas puissamment développé, et