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finissent, puisqu’elles ne restent pas dans les mêmes mains. Mais là, en même temps, je touche à un problème encore bien plus hardi que celui dont j’ai tenté l’éclaircissement dans les chapitres qui précèdent, puisque la question que j’aborde est celle-ci :

Y a-t-il entre les races humaines des différences de valeur intrinsèque réellement sérieuses, et ces différences sont-elles possibles à apprécier ?

Sans tarder davantage, j’entame la série des considérations relatives au premier point ; le second sera résolu par la discussion même.

Pour faire comprendre ma pensée d’une manière plus claire et plus saisissable, je commence par comparer une nation, toute nation, au corps humain, à l’égard duquel les physiologistes professent cette opinion, qu’il se renouvelle constamment, dans toutes ses parties constituantes, que le travail de transformation qui se fait en lui est incessant, et qu’au bout de certaines périodes, il renferme bien peu de ce qui en était d’abord partie intégrante, de telle sorte que le vieillard n’a rien de l’homme fait, l’homme fait rien de l’adolescent, l’adolescent rien de l’enfant, et que l’individualité matérielle n’est pas autrement maintenue que par des formes internes et externes qui se sont succédé les unes aux autres en se copiant à peu près. Une différence que j’admettrai pourtant entre le corps humain et les nations, c’est que, dans ces dernières, il est très peu question de la conservation des formes, qui se détruisent et disparaissent avec infiniment de rapidité. Je prends un peuple, ou, pour mieux dire, une tribu, au moment où, cédant à un instinct de vitalité prononcé, elle se donne des lois et commence à jouer un rôle en ce monde. Par cela même que ses besoins, que ses forces s’accroissent, elle se trouve en contact inévitable avec d’autres familles, et, par la guerre ou par la paix, réussit à se les incorporer.

Il n’est pas donné à toutes les familles humaines de se hausser à ce premier degré, passage nécessaire qu’une tribu doit franchir pour parvenir un jour à l’état de nation. Si un certain nombre de races, qui même ne sont pas cotées très haut sur