Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/69

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continuons la marche ascendante avec celles qui comprennent que, soit par la guerre, soit par la paix, si elles veulent augmenter leur puissance et leur bien-être, c’est une absolue nécessité que de forcer leurs voisins d’entrer dans leur cercle d’existence. La guerre est bien incontestablement le plus simple des deux moyens. La guerre se fait donc ; mais, la campagne finie, quand les passions destructives sont satisfaites, il reste des prisonniers, ces prisonniers deviennent des esclaves, ces esclaves travaillent ; voilà des rangs, voilà une industrie voilà une tribu devenue peuplade. C’est un degré supérieur qui, à son tour, n’est pas nécessairement franchi par les agrégations d’hommes qui ont su s’y élever ; beaucoup s’en contentent et y croupissent.

Mais certaines autres, de beaucoup plus imaginatives et plus énergiques, comprennent quelque chose de mieux que le simple maraudage ; elles font la conquête d’une vaste terre, et prennent en propriété, non plus les habitants seulement, mais le sol avec eux. Une véritable nation est dès lors formée. Souvent alors, pendant un temps, les deux races continuent à vivre côte à côte sans se mêler ; et cependant, comme elles sont devenues indispensables l’une à l’autre, que la communauté de travaux et d’intérêts s’est à la longue établie, que les rancunes de la conquête et son orgueil s’émoussent, que, tandis que ceux qui sont dessous tendent naturellement à monter au niveau de leurs maîtres, les maîtres rencontrent aussi mille motifs de tolérer et quelquefois de servir cette tendance, le mélange du sang finit par s’opérer, et les hommes des deux origines, cessant de se rattacher à des tribus distinctes, se confondent de plus en plus.

L’esprit d’isolement est toutefois tellement inhérent à l’espèce humaine que, même dans cet état de croisement avancé, il y a encore résistance à un croisement ultérieur. Il est des peuples dont nous savons d’une manière très positive que leur origine est multiple, et qui pourtant conservent avec une force extraordinaire l’esprit de clan. Nous le savons pour les Arabes, qui font plus que de sortir de différents rameaux de la souche sémitique ; ils appartiennent, tout à la fois, à ce qu’on nomme la famille de Sem et à celle de Cham, sans parler