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soleil ou engourdies sur les glaces éternelles, n’ayant d’autre territoire que des rochers stériles, seront beaucoup plus exposées à rester dans l’état de barbarie. Alors il va sans dire que, dans cette hypothèse, l’humanité ne serait perfectible qu’à l’aide du secours de la nature matérielle, et que toute sa valeur et sa grandeur existeraient en germe hors d’elle-même. Pour assez spécieuse, au premier aspect, que semble cette opinion, elle ne concorde sur aucun point avec les réalités nombreuses que l’observation procure.

Nuls pays certainement ne sont plus fertiles, nuls climats plus doux que ceux des différentes contrées de l’Amérique. Les grands fleuves y abondent, les golfes, les baies, les havres y sont vastes, profonds, magnifiques, multipliés ; les métaux précieux s’y trouvent à fleur de terre ; la nature végétale y prodigue presque spontanément les moyens d’existence les plus abondants et les plus variés, tandis que la faune, riche en espèces alimentaires, présente des ressources plus substantielles encore. Et pourtant la plus grande partie de ces heureuses contrées est parcourue, depuis des séries de siècles, par des peuplades restées étrangères à la plus médiocre exploitation de tant de trésors.

Plusieurs ont été sur la voie de mieux faire. Une maigre culture, un travail barbare du minerai, sont des faits qu’on observe dans plus d’un endroit. Quelques arts utiles, exercés avec une sorte de talent, surprennent encore le voyageur. Mais tout cela, en définitive, est très humble et ne forme pas un ensemble, un faisceau dont une civilisation quelconque soit jamais sortie. Certainement il a existé, à des époques fort lointaines, dans la contrée étendue entre le lac Érié et le golfe du Mexique, depuis le Missouri jusqu’aux Montagnes Rocheuses (1)[1], une nation qui a laissé des traces remarquables de sa présence. Les restes de constructions, les inscriptions gravées

  1. (1) Prichard, Histoire naturelle de l'homme, t. II, p. 80 et pass. Voir surtout les recherches de E. G. Squier, consignées dans ses Observations on the aboriginal monuments of the Mississipi Valley, New York, 1847, et dans plusieurs publications, revues et journaux qui ont récemment paru en Amérique.