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en murs de bois et de pierres ainsi disposés, que, tandis que les poutres paralysaient l’emploi du bélier par leur élasticité, les moellons mettaient obstacle à l’action du feu (1)[1]. Outre ce système, il y en avait un autre, probablement beaucoup plus ancien encore et dont on a trouvé de bien curieux vestiges en plusieurs endroits du nord de l’Écosse ; à Sainte-Suzanne, à Péran, en France ; à Görlitz, dans la Lusace. Ce sont de gros murs dont la surface, mise en fusion par l’action du feu, s’est recouverte d’une croûte vitrifiée qui fait du travail entier un seul bloc d’une dureté incomparable (2)[2]. Ce mode de construction est si étrange que longtemps on a douté qu’il fût dû à l’action de l’homme, et on l’a pris pour un produit volcanique, dans des contrées qui d’ailleurs ne révèlent pas une seule trace de l’existence de feux naturels. Mais on ne peut nier l’évidence. Le camp de Péran montre ses substructions vitrifiées sous une maçonnerie romaine, et il n’est pas douteux que ce genre impérissable de travail ne soit l’ouvrage des Celtes. L’antiquité en est certainement des plus reculées. J’en vois la preuve dans ce fait, qu’au temps des Romains l’Ecosse était tombée en décadence, et que de tels monuments dépassaient, de toute façon, ses besoins et les ressources dont elle disposait. On doit donc les attribuer à une époque où la population calédonienne n’avait pas encore subi, à un point dégradant, le mélange avec les hordes finniques qui l’entouraient (3)[3].



(1) Bourges avait aussi des tours revêtues de cuir. (Cæsar, VII, 22.)

(2) Keferstein, t. I, p. 286. — Geslin de Bourgogne, Notice sur l’enceinte de Péran, extrait du XVIIIe volume des Mémoires de la Société des Antiquaires de France, p. 6 et sqq., et 39.

(3) Au premier siècle avant notre ère, l’Angleterre proprement dite comptait deux espèces de populations celtiques : l’une qui se disait autochtone, et qui habitait l’intérieur des terres ; l’autre était due à une immigration successive de Belges ou Galls germanisés, qui eut lieu vers le VIIe siècle à Rome. (Cæsar, de Bello Gall., V, 12.) — C’est à ces conquérants qu’appartiennent les monnaies celtiques de l’Angleterre. Ces restes numismatiques sont imités de ceux que l’on trouve depuis la Schelde jusqu’à Reims et à Soissons. Le type primitif en est le statère macédonien. On possède dans ce genre des exemplaires fort grossiers d’une monnaie d’or, marqués du cheval à gorge fourchue,

  1. (1) Bourges avait aussi des tours revêtues de cuir. (Cæsar, VII, 22.)
  2. (2) Keferstein, t. I, p. 286. — Geslin de Bourgogne, Notice sur l’enceinte de Péran, extrait du XVIIIe volume des Mémoires de la Société des Antiquaires de France, p. 6 et sqq., et 39.
  3. (3) Au premier siècle avant notre ère, l’Angleterre proprement dite comptait deux espèces de populations celtiques : l’une qui se disait autochtone, et qui habitait l’intérieur des terres ; l’autre était due à une immigration successive de Belges ou Galls germanisés, qui eut lieu vers le VIIe siècle à Rome. (Cæsar, de Bello Gall., V, 12.) — C’est à ces conquérants qu’appartiennent les monnaies celtiques de l’Angleterre. Ces restes numismatiques sont imités de ceux que l’on trouve depuis la Schelde jusqu’à Reims et à Soissons. Le type primitif en est le statère macédonien. On possède dans ce genre des exemplaires fort grossiers d’une monnaie d’or, marqués du cheval à gorge fourchue, pesant de 6,1 gr. à 5,4 gr. — Mommsen, Die nord-etruskischen Alphabete, dans les Mittheilungen der antiquarischen Gesellschaft in Zürich, VII B., 8 Heft, 1813, p. 245. — Les Celtes de l’intérieur de l'Angleterre étaient devenus fort barbares. Ils allaient vêtus de peaux de bêtes. La polyandrie était presque générale parmi eux. Ils avaient déjà, en se mêlant aux Belges immigrés, communiqué à ceux-ci l'usage de se peindre le corps. Ces derniers les surpassaient de beaucoup par le raffinement des habitudes et par les richesses. Une population semblable à celle des Bretons de l'intérieur de l'île, et peut-être plus avilie encore, c'étaient les Irlandais. On peut admettre comme vraisemblable qu'à une époque fort ancienne leur île avait reçu quelques colonisations phéniciennes et carthaginoises ; mais, d'après ce qu'on a vu en Espagne d'établissements semblables, il est douteux que l'influence en ait dépassé les limites du comptoir. Toutefois M. Pictet pense avoir découvert dans l’erse des traces sémitiques. Peut-être encore y a-t-il eu des immigrations ibériques ou plutôt celtibériennes. Quoi qu'il en soit, Strabon dépeint les Irlandais comme des cannibales, mangeant leurs parents âgés. Diodore de Sicile et saint Jérôme racontent d'eux les mêmes choses. Les traditions locales avec leurs colonies antédiluviennes, commandées par César, leur Partholan, cinquième descendant de Magog, fils de Japhet, leur Clanna, leur Nemihidh, parents de ce héros, leurs Fir-Bolgs, tous originaires de Thrace, enfin leurs Milésiens, fils de Mileadh, venus d'Égypte en Espagne, et d'Espagne en Irlande, sont trop évidemment influencées par des romanciers bibliques et classiques pour qu'on puisse leur accorder beaucoup d'antiquité et, par suite, de confiance. C'est le pendant des histoires de France commençant à Francus, fils d'Hector. Il paraît certain que l'île n'a commencé à se relever que vers le IVe siècle de l'ère chrétienne. Elle avait alors une marine. — Dieffenbach, Celtica II, Abth. 2, 371 et seqq., est peut-être l'écrivain le plus complet sur cette matière ardue, qui constitue un des chapitres des chroniques celtiques sur lesquels il a été débité le plus de folies et les extravagances les plus monstrueuses. Pour faire juger de l'esprit de ceux qui les ont mises en œuvre, je ne citerai qu'un trait : partant de ce point, que l'Irlande est une terre sacrée, qualité qu'en effet lui reconnaissaient les Druides, et qu'ont ensuite maintenue pour elle les Sculdées chrétiens, O'Connor raconte, dans ses Proleg., II, 75, que de l'avis d'un savant allemand, l’erse était la seule langue inaccessible au diable, comme trop saint pour qu'il pût jamais l'apprendre, et qu’à Rome un possédé, « aliis linguis locutum, at hibernice loqui, vel noluisse vel non potuisse. » Tout bien pesé cependant, il serait imprudent de rejeter absolument les traditions irlandaises ; elles contiennent çà et là des faits dignes d’être observés.