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enfants et vieillards. Ce registre était, à son dire, écrit en lettres grecques (1)[1].

Dans un autre passage des Commentaires, le dictateur raconte que, pour toutes les affaires publiques (2)[2] et privées, les Celtes faisaient usage des lettres grecques. Par une singulière anomalie, les druides ne voulaient rien écrire de leurs doctrines ni de leurs rites, et forçaient leurs élèves à tout apprendre par cœur (3)[3]. C’était une règle stricte. D’après ces renseignements, il est hors de discussion qu’avant d’avoir passé par l’éducation romaine, les nations celtiques étaient accoutumées à la représentation graphique de leurs idées, et, ce qui est ici particulièrement intéressant, l’emploi qu’elles faisaient de cette science était tout autre que celui dont les grands peuples asiatiques de l’antiquité nous ont donné le spectacle. Chez ces derniers, l’écriture servait principalement aux prêtres, était révérée à l’égal d’un mystère religieux, et passait si difficilement dans l’usage familier que jusqu’à l’époque de Pisistrate, on n’écrivit pas même les poèmes d’Homère, objets, cependant, de l’admiration générale. Chez les Celtes, tout au rebours, ce sont les sanctuaires qui ne veulent pas de l’alphabet. La vie privée et l’administration profane s’en emparent : on s’en sert pour indiquer la valeur des monnaies et pour ce qui est d’intérêt personnel ou public. En un mot, chez les Celtes, l’écriture, dépouillée de tout prestige religieux, est une science essentiellement vulgarisée.

Mais Tacite et César ajoutent que ces lettres, que cet alphabet si usité, dont la présence n’est désormais pas douteuse en Allemagne (4)[4], est certaine dans la péninsule hispanique, les Gaules et l’Helvétie, que cet alphabet, dis-je, est hellénique, n’a rien de national, et provient d’une importation grecque.



(1) Cæsar, de Bello Gall., I, 29.

(2) Cæsar, de Bello Gall., VI, 14 : « In reliquis fere rebus (publicis) privatisque rationibus. » Publicis n’est pas certain. Le mot semble interpolé, quoique la plupart des éditions le donnent.

(3) Cæsar, de Bello Gall., VI, 14.

(4) Mommsen (Die nordetruskischen Alphabete) regarde le fait comme indubitable pour les contrées en deçà du Danube.

  1. (1) Cæsar, de Bello Gall., I, 29.
  2. (2) Cæsar, de Bello Gall., VI, 14 : « In reliquis fere rebus (publicis) privatisque rationibus. » Publicis n’est pas certain. Le mot semble interpolé, quoique la plupart des éditions le donnent.
  3. (3) Cæsar, de Bello Gall., VI, 14.
  4. (4) Mommsen (Die nordetruskischen Alphabete) regarde le fait comme indubitable pour les contrées en deçà du Danube.