Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en effet, que, dans le domaine moral, les Arians Germains ont dû prendre énormément des Kymris, puisque, dans l’ordre des faits ethniques et linguistiques, ils se sont laissé si puissamment modifier par eux. Mais, tout en reconnaissant comme admissible et même comme nécessaire ce point de départ, il n’en est pas moins très vraisemblable que les formes, les habitudes littéraires, désormais communes, ont pu, à la suite des invasions du Ve siècle, rentrer dans le patrimoine des Celtes, et, cette fois, fortement développées et enrichies par des apports dus à l’essence particulière des conquérants.

Les Kymris des quatre premiers siècles de l’Église étaient, en tant que Kymris, tombés bien bas et devenus fort peu de chose. Leur vie intellectuelle, dépouillant son originalité, fut, comme le sang de la plupart de leurs nations, extrêmement altérée par l’influence romaine. La question n’en est pas une pour ce qui concerne la Gaule. Les compositions des ovates avaient péri en laissant peu de traces. Il n’en fut nullement de ces œuvres comme de celles des Étrusques, qui, bien que frappés d’impopularité auprès des vieux Sabins par la prétendue barbarie de la langue, n’en maintinrent pas moins leur importance et leur dignité, grâce à leur valeur historique. Le généalogiste et l’antiquaire se virent contraints d’en tenir compte, de les traduire, de les faire entrer, bien qu’en les transformant, dans la littérature dominante. La Gaule n’eut pas autant de bonheur. Ses peuples consentirent à l’abandon presque complet d’un patrimoine qu’ils apprirent rapidement à mépriser, et, sous toutes les faces où ils pouvaient s’examiner eux-mêmes, ils s’arrangèrent de façon à devenir aussi Latins que possible. Je veux que les idées de terroir, peut-être même quelques anciens chants, traduits et défigurés, se soient conservés dans la mémoire du peuple. Ce fonds, resté celtique au point de vue absolu, a cessé de l’être littérairement parlant, puisqu’il n’a vécu qu’à la condition de perdre ses formes.

Il faut donc considérer, à partir de l’époque romaine, les nations celtiques de la Gaule, de la Germanie, du pays helvétien, de la Rhétie, comme devenues étrangères à la nature spéciale de leur inspiration antique, et se borner à ne plus