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bibliques : Magog et les fils de Japhet, les Pharaons et la terre d’Égypte ; puis le reflet des événements contemporains : les Saxons, la grandeur de Constantinople, la puissance redoutée d’Attila.

De ces remarques je ne tire pas la conséquence qu’il n’existe absolument aucun reste de souvenir véritablement ancien dans cette littérature ; mais je pense qu’elle appartient, totalement dans ses formes et presque entièrement dans le fond, à l’époque où les indigènes n’étaient plus seuls à habiter leurs territoires, à l’époque où leur race avait cessé d’être uniquement celtique, à celle où le christianisme et la puissance germanique, bien que trouvant encore parmi eux de grandes résistances, n’en étaient pas moins victorieux, dominateurs, et capables de plier à leurs vues l’intelligence intimidée des plus haineux ennemis.

Toutes ces raisons, en établissant que les groupes parlant, depuis l’ère chrétienne, des dialectes celtiques, avaient, depuis longtemps, perdu toute inspiration propre, appuient encore cette proposition, avancée tout à l’heure, que, si le génie germanique s’est, à son origine, enrichi d’apports kymriques, c’est sous son influence, c’est avec ce qu’il a rendu aux peuplades gaéliques, galloises et bretonnes, que s’est composée, vers le Ve siècle, la littérature de ces tribus, littérature que dès lors on est en droit d’appeler moderne. Celle-ci n’est plus qu’un dérivé de courants multiples, non pas une source originale. Je ne répéterai donc pas, avec tant de philologues, que les habitants celtiques de l’Angleterre possédaient, à l’aurore de l’âge féodal, des chants et des romans purement tirés de leur propre invention, et qui ont fait le tour de l’Europe ; mais, tout au contraire, je dirai que, de même que les moines irlandais, les sculdées ont brillé d’un éclat de science théologique, d’une énergie de prosélytisme tout à fait admirable et étranger aux habitudes égoïstes et peu enthousiastes des races galliques, de même leurs poètes, placés sous les mêmes influences étrangères, ont puisé dans le conflit d’idées et d’habitudes qui en résultèrent, dans le trésor des traditions si variées ouvert sous leurs yeux, enfin dans le faible et obscur patrimoine qui leur