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l’oreille effrayée des fidèles. Puis, sous la voûte consacrée du feuillage humide qui laissait à peine tomber sur une scène terrible la clarté douteuse d’une lune occidentale, sur un autel de granit grossièrement façonné, et emprunté à d’anciens rites barbares, les sacrificateurs faisaient approcher les victimes et leur enfonçaient, en silence, le couteau d’airain dans la gorge ou dans le flanc. D’autres fois, ces prêtres remplissaient de gigantesques mannequins d’osier de captifs et de criminels, et faisaient tout flamber dans une des clairières de leurs grandes forêts.

Ces horreurs s’accomplissaient comme secrètement ; et, tandis que le Chamite sortait de ses boucheries hiératiques ivre de carnage, rendu insensé par l’odeur du sang dont on venait de lui gonfler les narines et le cerveau, le Gall revenait de ses solennités religieuses, soucieux et hébété d’épouvante. Voilà la différence : à l’un, la férocité active et brûlante du principe mélanien ; à l’autre, la cruauté froide et triste de l’élément jaune. Le nègre détruit parce qu’il s’exalte, et s’exalte parce qu’il détruit. L’homme jaune tue sans émotion et pour répondre à un besoin momentané de son esprit. J’ai montré, ailleurs, qu’à la Chine l’adoption de certaines modes féroces, comme d’enterrer des femmes et des esclaves avec le cadavre d’un prince, correspondait à des invasions de nouveaux peuples jaunes dans l’empire.

Chez les Celtes, tout l’ensemble du culte portait également témoignage de cette influence. Ce n’est pas que les dogmes et certains rites fussent absolument dépouillés de ce qu’ils devaient à l’origine primitivement noble de la famille. Les mythologues y ont découvert de frappantes analogies avec les idées hindoues, surtout quant aux théories cosmogoniques. Le sacerdoce lui-même, voué à la contemplation et à l’étude, façonné aux austérités et aux fatigues, étranger à l’usage des armes, placé au-dessus, sinon au dehors de la vie mondaine, et jouissant du droit de la guider, tout en ayant le devoir d’en faire peu de cas, ce sont là autant de traits qui rappellent assez bien la physionomie des purohitas.

Mais ces derniers ne dédaignaient aucune science et pratiquaient