Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/262

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par ses défaites sur le sein des vainqueurs que son poids achevait d’étouffer ; ou bien les nobles Sabins, méconnus, croupissaient dans les plus obscurs bas-fonds de la populace, mourant de faim sur le pavé de la ville illustrée par leurs ancêtres. Ne vit-on pas les descendants des Gracques gagner leur pain, cochers du cirque (1)[1], et ne fallut-il pas que les empereurs prissent en pitié la dégradante abjection où le patriciat était tombé ? Par une loi, ils refusèrent aux matrones issues des vieilles familles le droit de vivre de prostitution (2)[2]. Du reste, la terre d’Italie elle-même était traitée comme ses indigènes par les vaincus devenus tout-puissants. Elle ne comptait plus parmi les régions dignes de nourrir les hommes. Elle n’avait plus de métairies, on n’y traçait plus de sillons, elle ne produisait plus de blé (3)[3]. C’était un vaste jardin semé de maisons de campagne et de châteaux de plaisance. On va voir bientôt le jour où il fut même défendu aux Italiotes de porter les armes (4)[4]. Mais ne devançons pas les temps.

Lorsque l’Asie, prédominant ainsi dans la population de la Ville, eut enfin amené la nécessité prochaine du gouvernement d’un maître, César, pour illustrer d’habiles loisirs, s’en alla conquérir la Gaule. Le succès de son entreprise eut des



(1) Am. Thierry, Hist. de la Gaule sous l’administr. rom., t. I, p. 181.

(2) « Eodem anno, gravibus senatus decretis libido feminarum coercita, cautumque ne quæstum corpore faceret cui avus, aut pater aut maritus eques romanus fuisset. Nam Vistilia, prætoria familia genita, licentiam stupri apud ædiles vulgaverat. » (Tacit., Ann., II, 85.)

(3) « At, hercule, nemo refert quod Italia externæ opis indiget quod vita populi romani per incerta maris et tempestatum quotidie volvitur, ac, nisi provinciarum copiæ et dominis et servitiis et agris subvenerint, nostra nos scilicet nemora nostræque villæ tuebuntur ! » (Tac., Ann., III, 54.)

(4) Dans la guerre Flavienne, Antonius traita bien dédaigneusement les prétoriens licenciés par Vitellius et recueillis par lui, lorsque, leur rappelant qu’ils étaient nés en Italie, à la différence des légionnaires de son armée, Germains ou Gaulois, il les appelle pagani, paysans. (Hist., III, 24.) Ce fut dans cette garde spéciale, qui ne quittait jamais les résidences impériales et portait fort peu les armes, que les Italiotes continuèrent encore un certain temps à servir ; mais, à la fin, les empereurs se lassèrent d’eux, et les remplacèrent par de vrais soldats levés dans le Nord.

  1. (1) Am. Thierry, Hist. de la Gaule sous l’administr. rom., t. I, p. 181.
  2. (2) « Eodem anno, gravibus senatus decretis libido feminarum coercita, cautumque ne quæstum corpore faceret cui avus, aut pater aut maritus eques romanus fuisset. Nam Vistilia, prætoria familia genita, licentiam stupri apud ædiles vulgaverat. » (Tacit., Ann., II, 85.)
  3. (3) « At, hercule, nemo refert quod Italia externæ opis indiget quod vita populi romani per incerta maris et tempestatum quotidie volvitur, ac, nisi provinciarum copiæ et dominis et servitiis et agris subvenerint, nostra nos scilicet nemora nostræque villæ tuebuntur ! » (Tac., Ann., III, 54.)
  4. (4) Dans la guerre Flavienne, Antonius traita bien dédaigneusement les prétoriens licenciés par Vitellius et recueillis par lui, lorsque, leur rappelant qu’ils étaient nés en Italie, à la différence des légionnaires de son armée, Germains ou Gaulois, il les appelle pagani, paysans. (Hist., III, 24.) Ce fut dans cette garde spéciale, qui ne quittait jamais les résidences impériales et portait fort peu les armes, que les Italiotes continuèrent encore un certain temps à servir ; mais, à la fin, les empereurs se lassèrent d’eux, et les remplacèrent par de vrais soldats levés dans le Nord.