Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/326

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temps se chargeait, comme toujours, d’en adoucir les aspérités. A mesure qu’une longue cohabitation amenait entre les étrangers et leurs humbles tributaires les alliances inévitables, le rapprochement des esprits s’effectuait. Les relations mutuelles perdaient de leur rigueur première ; la protection se faisait mieux sentir, et le commandement beaucoup moins. A la vérité, les conquérants, victimes de ce jeu, devenaient graduellement des Slaves, et, s’affaissant à leur tour, à leur tour aussi subissaient la domination étrangère, qu’ils ne savaient plus écarter ni de leurs sujets ni d’eux-mêmes. Mais les mêmes mobiles poursuivant incessamment leur action, avec une régularité toute semblable aux mouvements du pendule, amenaient constamment des effets identiques, et les races wendes n’apprenaient pas, et même, arianisées au point médiocre où elles ont pu l’être, n’ont jamais appris que d’une manière imparfaite le besoin et l’art d’organiser un gouvernement qui fût à la fois national et plus complexe que celui d’une municipalité. Elles n’ont jamais pu se soustraire à la nécessité de subir un pouvoir étranger à leur race. Bien éloignées d’avoir rempli dans le monde antique un rôle souverain, ces familles, les plus anciennement dégénérées des groupes blancs d’Europe, n’ont même jamais eu, aux époques historiques, un rôle apparent[1], et c’est tout ce que peut faire l’érudition la plus sagace que d’apercevoir leurs masses, cependant si nombreuses, si prolifiques, derrière les poignées d’aventuriers heureux qui les régissent pendant les périodes lointaines. En un mot, par suite des alliages jaunes immodérés d’où résulta pour elles cette situation éternellement passive, elles furent plus mal partagées, moralement parlant, que les Celtes, qui, du moins, outre de longs siècles d’indépendance et d’isonomie, eurent quelques moments bien courts, il est vrai, mais bien marqués, de prépondérance et d’éclat.

La situation subordonnée des Slaves, dans l’histoire, ne doit cependant pas faire prendre le change sur leur caractère. Lorsqu’un peuple tombe au pouvoir d’un autre peuple, les

  1. Schaff., ouvr. cité, t. I, p. 128.