Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/393

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doute que dans ce cercle de juridiction domestique on ne demandât œil pour œil et dent pour dent. Il n’y aurait pas même eu moyen de recourir à la composition pécuniaire, car rien n’établit que les membres inférieurs de l’odel aient eu le droit personnel de propriété dans les époques vraiment arianes.

Mais quand le crime, se produisant en dehors du cercle intérieur gouverné par le chef de famille, avait pour victime un homme libre, la répression se compliquait soudain de ces difficultés dirimantes qui hérissent toujours le redressement des torts d’un souverain envers son égal. On admettait bien en principe, dans l’intérêt évident du lien social, que la communauté, représentée par l’assemblée des hommes libres sous la présidence du drottinn ou du graff, avait le droit de punir les infractions à la tranquillité publique, état que ces pouvoirs avaient la mission de maintenir de leur mieux. Le point scabreux était de fixer l’étendue de ce droit. Il se trouvait pour le circonscrire, dans les plus étroites limites possibles, autant de volontés qu’il y avait de juges impartiaux, c’est-à-dire d’Arians Germains, attentifs à sauvegarder l’indépendance de chacun contre les empiétements éventuels de la communauté. On fut ainsi conduit à envisager sous un jour de compromis la position des coupables et à substituer, dans le plus grand nombre de cas, à l’idée du châtiment celle de la réparation approximative. Placée sur ce terrain, la loi considéra le meurtre comme un fait accompli, sur lequel il n’y avait plus à revenir, et dont elle devait seulement borner les conséquences quant à la famille du mort. Elle écarta à peu près toute tendance à la vindicte, évalua matériellement le dommage, et, moyennant ce qu’elle jugea être un équivalent pour la perte de l’homme que l’action homicide avait rayé du nombre des vivants et arraché à ceux parmi lesquels il vivait, elle ordonna le pardon, l’oubli et le retour de la paix. Dans ce système, plus le défunt était d’un rang élevé, plus la perte était estimée considérable. Le chef de guerre valait plus que le simple guerrier, celui-ci plus que le laboureur, et certainement un Germain devait être mis à plus haut prix qu’un de ses vaincus.

Avec le temps, cette doctrine, pratiquée dans les camps