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légendes d’Attila que le Xe siècle vit mettre en œuvre[1]. Ce sont là des services qui méritent d’autant plus de reconnaissance, que la critique ne doit qu’à eux seuls de pouvoir rattacher directement les parties originales des littératures modernes, les inspirations qui ne proviennent pas absolument de l’influence hellénistique ou italiote, aux anciennes sources arianes, et par là aux grands souvenirs épiques de la Grèce primitive, de l’Inde, de l’Iran bactrien et des nations génératrices de la haute Asie.

Les poèmes odiniques avaient eu d’exaltés défenseurs, mais parmi ceux-ci les femmes s’étaient surtout fait distinguer. Elles avaient témoigné d’un attachement particulièrement opiniâtre aux anciennes mœurs et aux anciennes idées ; et, contrairement à ce qu’on suppose généralement de leur prédilection pour le christianisme, opinion vraie quant aux pays romanisés, mais dénuée de fondement dans les contrées germaniques, elles prouvèrent qu’elles aimaient du fond du cœur une religion et des coutumes assez austères peut-être, mais qui, leur attribuant un esprit sagace et pénétrant jusqu’à la divination, les avaient entourées de ces respects et armées de cette autorité que leur refusaient si dédaigneusement les paganismes du Sud sous l’empire de l’ancien culte. Bien loin qu’on les crût indignes de juger des choses élevées, on leur confiait les soins les plus intellectuels : elles avaient la charge de conserver les connaissances médicales, de pratiquer, en concurrence avec les thaumaturges de profession, la science des sortilèges et des recettes magiques. Instruites dans tous les mystères des runes[2], elles les communiquaient aux héros, et leur prudence avait le droit de diriger, de hâter, de retarder les effets du courage de leurs maris ou de leurs frères. C’était une situation dont la dignité était faite pour leur plaire, et il n’y a rien de surprenant à ce qu’elles n’aient pas cru tout d’abord devoir gagner au change. Leur opposition, nécessairement limitée, se manifesta par leur entêtement pour la poésie germanique même. Devenues chrétiennes, elles en excusaient volontiers

  1. Am. Thierry, Revue des Deux-Mondes, 1er décembre 1854, p. 845.
  2. Weinhold, ouvr. cité, p. 86. — W. C. Grimm, Deutsche Runen, p. 51.