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De même que l’appellation de l’Arian Germain, du guerrier, jarl, finit, dans la patrie du nord, par s’élever à la signification de gouvernant et de roi, de même le mot quino graduellement exalté, devint le titre exclusif des compagnes du souverain, de celles qui régnaient à ses côtés, en un mot, des reines. Pour le commun des épouses, une appellation qui n’était guère moins flatteuse y succéda : c’est frau, frouwe, mot divinisé dans la personnalité céleste de Freya (1)[1]. Après ce mot, il en est d’autres encore qui sont tous frappés au même cachet. Les langues germaniques sont riches en désignations de la femme, et toutes sont empruntées à ce qu’il y a de plus noble et de plus respectable sur la terre et dans les cieux (2)[2]. Ce fut sans doute par suite de cette tendance native à estimer à un haut degré l’influence exercée sur lui par sa compagne, que l’Arian du nord accepta, dans sa théologie, l’idée que chaque homme était dès sa naissance placé sous la protection particulière d’un génie féminin, qu’il appelait fylgja. Cet ange gardien soutenait et consolait, dans les épreuves de la vie, le mortel qui lui était confié par les dieux, et, lorsque celui-ci touchait à l’heure suprême, il lui apparaissait pour l’avertir (3)[3].

Cause ou résultat de ces habitudes déférentes, les mœurs étaient généralement si pures, que dans aucun des dialectes nationaux il ne se trouve un mot pour rendre l’idée de courtisane. Il semblerait que cette situation n’ait été connue des Germains qu’à la suite du contact avec les races étrangères, car les deux plus anciennes dénominations de ce genre sont le fînnique kalkjô et le celtique lenne et laënia (4)[4].

(1) Sanscrit : pri ; zend ; fri ; gothique : frijô, j’aime. (Bopp, Vergleichende Grammatik, p. 123.)

(2) Weinhold, ouvr. cité, p. 20. — L’expression muine, ancien féminin de mann, n’est pas germanique. Elle paraît être d’origine celtique. Elle ne s’est conservée que comme indiquant un démon femelle, dans les composés murmuine, sirène, et wuldmuine, dryade. (W. Muller, Altdeutsche Religion, p. 366.)

(3) Weinhold, ouvr. cité, p. 49.

(4) Ibid., p. 291. — Les crimes contre les femmes ne trouvaient même pas toujours d’excuse dans l’emportement de la conquête, et, au sac


  1. (1) Sanscrit : pri ; zend ; fri ; gothique : frijô, j’aime. (Bopp, Vergleichende Grammatik, p. 123.)
  2. (2) Weinhold, ouvr. cité, p. 20. — L’expression muine, ancien féminin de mann, n’est pas germanique. Elle paraît être d’origine celtique. Elle ne s’est conservée que comme indiquant un démon femelle, dans les composés murmuine, sirène, et wuldmuine, dryade. (W. Muller, Altdeutsche Religion, p. 366.)
  3. (3) Weinhold, ouvr. cité, p. 49.
  4. (4) Ibid., p. 291. — Les crimes contre les femmes ne trouvaient même pas toujours d’excuse dans l’emportement de la conquête, et, au sac de Rome par Alaric, un Goth de grande naissance, ayant violé la fille d’un Romain, fut condamné à mort, malgré la résistance du roi, et exécuté. (Kemble, t. I, p. 190.)