Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/422

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été en effet  ; elles auraient été très promptement absorbées dans le vaste réservoir social qui ne se lassait pas de leur demander des forces. Au bout d’un temps donné, ces familles auraient disparu parmi les éléments romanisés  ; puis la corruption générale, poursuivant son cours, aurait abouti à une dégénération chronique qui aujourd’hui permettrait à peine à l’Europe de maintenir une sociabilité quelconque. Du Danube à la Sicile, et de la mer Noire à l’Angleterre, on en serait à peu près au point de décomposition pulvérulente où sont arrivées les provinces méridionales du royaume de Naples et la plupart des territoires de l’Asie antérieure.

Sur cette hypothèse qu’on en greffe une seconde. Si les nations jaunes et à demi jaunes, à demi slaves, à demi arianes, d’au delà de l’Oural avaient pu garder la possession de leurs steppes, les peuples gothiques, à leur tour, conservant les régions du nord-est jusqu’aux gorges hercyniennes d’une part, jusqu’à l’Euxin de l’autre, n’auraient eu aucune raison de passer le Danube. Elles auraient développé sur place une civilisation toute spéciale, enrichie de très faibles emprunts romains, livrés par l’inévitable absorption qu’elles auraient faite à la longue des colonies transrhénanes et transdanubiennes. Un jour, profitant de la supériorité de leurs forces actives, elles auraient éprouvé le désir de s’étendre pour s’étendre ; mais c’eût été bien tard. L’Italie, la Gaule et l’Espagne n’auraient plus été, comme elles le furent pour les vainqueurs du Ve siècle, des conquêtes instructives, mais seulement des annexes propres à être exploitées matériellement, comme l’est aujourd’hui l’Algérie.

Cependant il y a quelque chose de si providentiel, de si fatal dans l’application des lois qui amènent les mélanges ethniques, qu’il ne serait résulté de cette différence, qui paraît si considérable à la première vue, qu’une simple perturbation de synchronismes. Un genre de culture comparable à celui qui a régné du Xe au XIIIe siècle environ aurait commencé beaucoup plus tôt et duré plus longtemps, parce que la pureté du sang germanique aurait résisté davantage. Elle aurait néanmoins fini par s’épuiser de même en subissant des contacts absolument semblables à ceux qui l’ont énervée. Les commotions