Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/425

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voyaient en contact avec un commerce opulent, et en jouissance de ce que les perfectionnements sociaux avaient pour eux de plus enviable. C’en était assez pour que les agressions redoublassent d’impétuosité, de fréquence. Obtenir des terres impériales devint le rêve obstiné de plus d’une tribu, lasse de végéter dans ses marais et dans ses bois.

Mais, d’un autre côté, à mesure que les attaques devenaient plus rudes, la situation des Germains colonisés était aussi plus précaire. Des rivaux les trouvaient trop riches ; eux, ils se sentaient trop peu tranquilles. Ils étaient souvent exposés à la tentation de tendre la main à leurs frères au lieu de les combattre, et, pour en obtenir la paix, de se liguer avec eux contre les vrais Romains, placés derrière leur douteuse protection.

L’administration impériale germanisée jugea le péril  ; elle en comprit toute l’étendue, et, afin de le détourner en redoublant le zèle des auxiliaires, elle ne trouva rien de mieux que de leur proposer les modifications suivantes dans leur état légal :

Ils ne seraient plus considérés uniquement comme des colons, mais bien comme des soldats en activité de service. Conséquemment, à tous les avantages dont ils étaient déjà en possession, et qui ne leur seraient point retirés, ils verraient s’ajouter encore celui d’une solde militaire. Ils deviendraient partie intégrante des armées, et leurs chefs obtiendraient les grades, les honneurs et la paye des généraux romains.

Ces offres furent acceptées avec joie, comme elles devaient l’être. Ceux qui en furent les objets ne songèrent plus qu’à exploiter de leur mieux la faiblesse d’un empire qui en était réduit à de tels expédients. Quant aux tribus du dehors, elles n’en devinrent que plus possédées du désir d’obtenir des terres romaines, de devenir soldats romains, gouverneurs de province, empereurs. Il ne s’agissait plus désormais, dans la société civilisée, telle que le cours des événements l’avait faite, que d’antagonismes et de rivalités entre les Germains du dedans et ceux du dehors.

La question ainsi posée, le gouvernement fut entraîné à étendre sans fin le réseau des colonisations, et bientôt de