Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/497

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comme, par exemple, le frison et le bernois, sont relégués parmi les plus incompréhensibles pour la majorité. La plupart des langages provinciaux, riches d’éléments kymriques, se rapprochent davantage de l’idiome usuel. Celui-ci, connu sous le nom de haut allemand moderne, a relativement peu de ressemblances lexicologiques avec le gothique ou les anciennes langues du Nord, et des affinités de plus en plus étroites avec le celtique  ; il y mêle aussi, çà et là, des emprunts slaves. Mais c’est surtout vers le celtique qu’il incline, et, comme il ne lui est pas possible d’en retrouver aisément les débris natifs dans l’usage moderne, il se rapproche avec effort du composé qui en est le plus voisin, c’est-à-dire du français. Il lui prend, sans nécessité apparente, des séries de mots dont il pourrait trouver sans peine les équivalents dans son propre fonds ; il s’empare de phrases entières qui produisent au milieu du discours l’effet le plus bizarre ; et, en dépit de ses lois grammaticales, dont il cherche d’ailleurs à modifier aussi la souplesse primitive pour se rapprocher de nos formes plus strictes et plus roides, il se romanise par toutes les voies qu’il peut se frayer ; mais il se romanise d’après la nuance celtique qui est le plus à sa portée, tandis que le français abonde de son mieux dans la nuance méridionale, et ne fait pas moins de pas vers l’italien que celui-ci n’en fait vers lui.

Jusqu’ici je n’ai éprouvé aucun scrupule à employer le mot de romanité pour indiquer l’état vers lequel retournent les populations de l’Europe occidentale. Cependant, afin d’être plus précis, il faut ajouter que sous cette expression on aurait tort d’entendre une situation complètement identique à celle d’aucune époque de l’ancien univers romain. De même que dans l’appréciation de celui-ci je me suis servi des mots de sémitique, d’hellénistique, pour déterminer approximativement la nature des mélanges vers laquelle il abondait, en prévenant qu’il ne s’agissait pas de mixtures ethniques absolument pareilles à celles qui avaient jadis existé dans le monde assyrien et dans l’étendue des territoires syro-macédoniens, de même ici on ne doit pas oublier que la romanité nouvelle possède des nuances ethniques qui lui sont propres, et par conséquent