Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/546

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qui fut fait pour cette majestueuse métropole ? Et de quel prix paya-t-elle tant de soins ? Elle ne fit rien, elle ne créa rien ; aucun des maux que les siècles avaient accumulés sur l’univers romain, elle ne le sut guérir ; pas une idée réparatrice ne sortit de sa population. Rien n’indique que les États-Unis d’Amérique, plus vulgairement peuplés que cette noble cité, et surtout que Carthage, doivent se montrer plus habiles.

Toute l’expérience du passé est réunie pour prouver que l’amalgame de principes ethniques déjà épuisés ne saurait fournir une combinaison rajeunie. C’est déjà beaucoup prévoir, beaucoup accorder, que de supposer dans la république du nouveau monde une assez longue cohésion pour que la conquête des pays qui l’entourent lui reste possible. A peine ce grand succès, qui leur donnerait un droit certain à se comparer à la Rome sémitique, est-il même probable ; mais il suffit qu’il le soit pour qu’il faille en tenir compte. Quant au renouvellement de la société humaine, quant à la création d’une civilisation supérieure ou au moins différente, ce qui, au jugement des masses intéressées, revient toujours au même, ce sont là des phénomènes qui ne sont produits que par la présence d’une race relativement pure et jeune. Cette condition n’existe pas en Amérique. Tout le travail de ce pays se borne à exagérer certains côtés de la culture européenne, et non pas toujours les plus beaux, à copier de son mieux le reste, à ignorer plus d’une chose (1)[1]. Ce peuple qui se dit jeune, c’est le vieux peuple d’Europe, moins contenu par des lois plus complaisantes, non pas mieux inspiré. Dans le long et triste voyage qui jette les émigrants à leur nouvelle patrie, l’air de l’Océan ne les transforme pas. Tels ils étaient partis, tels ils arrivent. Le simple transfert d’un point à un autre ne régénère pas les races plus qu’à demi épuisées.

  1. (1) Une observation de Pickering donne un indice curieux de la grossièreté du génie des Anglo-Saxons d’Amérique en matière d’art. Il assure que la plupart des chants populaires, d’ailleurs si peu nombreux, que possèdent ses compatriotes ont été empruntés par ces derniers aux esclaves nègres, faute de pouvoir mieux. (Pickering, p. 185.) Il y a un grand rapport entre ce fait et l’imitation que firent jadis les Kymris des dessins en spirale inventés par les Finnois.