Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/569

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nulle infusion de sang nouveau n’est jamais venue troubler la première composition, les hommes se ressembleront tous. Leur taille, leurs traits, leurs habitudes corporelles, seront semblables. Ils auront même dose de forces physiques, directions pareilles dans les instincts, mesures analogues dans les facultés, et ce niveau général, encore une fois, sera de la plus révoltante humilité.

Les nations, non, les troupeaux humains, accablés sous une morne somnolence, vivront dès lors engourdis dans leur nullité, comme les buffles ruminants dans les flaques stagnantes des marais Pontins. Peut-être se tiendront-ils pour les plus sages, les plus savants et les plus habiles des êtres qui furent jamais ; nous-mêmes, lorsque nous contemplons ces grands monuments de l’Egypte et de l’Inde, que nous serions si incapables d’imiter, ne sommes-nous pas convaincus que notre impuissance même prouve notre supériorité ? Nos honteux descendants n’auront aucune peine à trouver quelque argument semblable au nom duquel ils nous dispenseront leur pitié et s’honoreront de leur barbarie. C’était là, diront-ils en montrant d’un geste dédaigneux les ruines chancelantes de nos derniers édifices, c’était là l’emploi insensé des forces de nos ancêtres. Que faire de ces inutiles folies. Elles seront, en effet, inutiles pour eux ; car la vigoureuse nature aura reconquis l’universelle domination de la terre, et la créature humaine ne sera plus devant elle un maître, mais seulement un hôte, comme les habitants des forêts et des eaux.

Cet état misérable ne sera pas de longue durée non plus  ; car un effet latéral des mélanges indéfinis, c’est de réduire les populations à des chiffres de plus en plus minimes. Quand on jette les yeux sur les époques antiques, on s’aperçoit que la terre était alors bien autrement couverte par notre espèce qu’elle ne l’est aujourd’hui. La Chine n’a jamais eu moins d’habitants qu’à présent ; l’Asie centrale était une fourmilière, et on n’y rencontre plus personne. La Scythie, au dire d’Hérodote, était pleine de nations, et la Russie est un désert. L’Allemagne est bien fournie d’hommes ; mais elle ne l’était pas moins au IIe, au IVe, au Ve siècle de notre ère, quand elle