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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/110

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trouve le moment, il faut que je me venge. Aussitôt je la saisis entre mes bras, je la serre, je la pousse sur le canapé : elle veut crier ; criez, criez, lui dis-je, oui, madame, le plus haut que vous pourrez, faites éclat, c’est ce que je veux. Je lui mis le poignard dans le sein, elle perdit connaissance, sans songer aux fenêtres et aux portes ouvertes, sans me soucier du bruit que faisait le froissement de nos robes de taffetas ; je combattis, j’attaquai, je triomphai ; je ne sais si, pour être plutôt libre, Mme Dorville n’aida pas à la victoire ; je me vengeais de son époux, peut-être voulait-elle aussi s’en venger ? quelle est la femme qui n’ait pas sujet de mécontentement dans son ménage ?

Semblable à un Pandour, j’arrive, j’attaque, je pille, je tire mon coup de pistolet, et je suis déjà décampé. Eh une minute tout fut expédié, et j’étais déjà à ma chambre que la solliciteuse n’avait pas eu le temps de remarquer si j’étais encore auprès d’elle.

Personne ne survint, et Mme Dorville eut tout le temps de se remettre à sa toilette. De plus d’une heure mon père ne sortit de son cabinet. Arrivé dans mon appartement, je me mis à rire comme un fou, et passai près d’une demi-heure à en méditer les circonstances. Je sais actuellement que penser de cette étourderie.

Mon père arriva enfin. Il était depuis longtemps en conférence avec un ecclésiastique nommé M. Le Doux, son confesseur ordinaire et mon directeur honoraire. Il tire beaucoup d’argent de mon père pour les pauvres, entre lesquels je crois qu’il se met au premier rang et pour plus d’une part ; ce consolateur monta chez moi et vint me débiter bénignement une morale assurément très épurée.

Mme Dorville se présenta devant mon père, qui attribua un reste de trouble qui était dans ses yeux à la modestie d’