Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/179

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âmes à la délivrance de ma maitresse. Il me confia que le lendemain elle sortirait malgré mon père, s’il ne voulait pas y consentir, que ses amis le lui avaient promis, et que, quand il se mêlait de quelque chose, il réussissait absolument et malgré tous les obstacles. Il me dit que le soir il souperait au logis et qu’il ne fallait pas que je m’y trouvasse ; je le remerciai et, suivant ses ordres, je fus chercher compagnie : pour la première fois de ma vie, je la cherchai raisonnable. On fut étonné en me voyant arriver chez le comte de Montvert, on m’en fit compliment : je m’y entretins de choses très intéressantes, soit de la guerre, soit de la politique particulière. Je mêlai mes éloges à ceux qu’on faisait de notre auguste monarque, duquel, cher marquis, vous me parlez dans toutes vos lettres avec tant de respect, d’admiration et d’amour : je vous dirai que je vous estime d’autant plus, que vous rendez plus de justice à un prince qui égale dès maintenant les Louis XII par son cœur paternel et les Philippe-Auguste par sa valeur.

Le destin est ordinairement favorable à ceux qui se comportent sagement, du moins il le fut pour moi en cette rencontre. Après le souper, on joua pour passer un moment. M. le comte, qui est d’une santé infirme, s’étant retiré, le jeu s’échauffa, on proposa un lansquenet, j’y hasardai quelques louis. La fortune me favorisa, plus d’un particulier se piqua, et insensiblement, sans presque avoir manqué une seule réjouissance, je me trouvai avoir gagné plus de deux cent vingt louis. La séance finit à mon grand contentement. J’employai une partie de la nuit à songer à mon bonheur et à remercier le ciel de m’avoir envoyé cette somme dans un temps où elle m’était extrêmement nécessaire.