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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/87

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remit à mon père. Mon père se transporta aussitôt chez M. le lieutenant de police, à qui il fit part de ce qu’il venait d’apprendre. Il s’emporta contre moi, et lui demanda un ordre pour me faire arrêter partout où je serais, ainsi que la fille qui me dérangeait. Ce père qui m’aime tant, hors de lui-même alors, ne respirait que punition et vengeance.

Son ardeur surprit le magistrat, il avait peine à concevoir qu’un homme d’un âge mûr, et grave par caractère, se laissât ainsi emporter. Il lui représenta que cette affaire ferait de l’éclat et que cet éclat était le plus grand mal. Qu’il s’agissait de taire cette aventure qui, peut-être, peu considérable dans le fonds, serait tournée autrement par la calomnie. Enfin qu’il était d’avis qu’on fît ce qui était nécessaire pour me retrouver, et que l’on aviserait aux moyens d’empêcher que la demoiselle en question ne me vît plus par la suite. Cet avis était très sensé, le magistrat qui le donnait est très éclairé, il ne s’occupe que de son devoir et de rendre service à ses concitoyens dont il est un des meilleurs.

Mon père ne profita point de ses remarques. M. le lieutenant de police lui accorda ce qu’il demandait, c’est-à-dire un ordre pour faire arrêter Rozette et main forte, en cas de résistance de ma part ; un exempt l’accompagna et monta en carrosse avec lui. Mon père eut bien lieu de se repentir de sa démarche ; un homme sage ne peut pas répondre qu’il ne perdra jamais la tête.

Minuit était sonné, que le fiacre n’était point de retour. Jugez de l’embarras dans lequel se trouvait mon père. Cependant mon domestique, sans que j’en fusse informé, vint trouver la femme de chambre de Rozette et lui tint compagnie durant la nuit : le coquin ne prenait-il pas bien son temps ?