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Page:Godefroy - Histoire de la litterature francaise - XIX Prosateurs T2.djvu/75

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Marie de Flavigny, comtesse d’Agoult, née en 1815 à Francfort-sur-le-Mein, de parents français, connue dans les lettres sous le nom de Daniel Stern, célèbre surtout par son influence de salon et par ses Mémoires, fit paraître, à ses débuts, deux nouvelles en prose, Hervé (1841), Valentia (1842), où se reconnaît l’ascendant de George Sand qui lui donna des marques de grande sympathie dans ses Lettres d’un voyageur. Nétida (1845), l’œuvre de prédilection de la comtesse d’Agoult, est une histoire très passionnée, écrite d’un style ardent et remplie d’idées métaphysiques.


Une autre femme distinguée du même monde, la vicomtesse de Saint-Mars, née de Cisterne (1805-1872), après de cruels revers de fortune, s’était réfugiée, pour se créer des ressources, dans le travail littéraire. Sous le nom de comtesse Dash, elle écrivit d’une plume facile un grand nombre de romans et de nouvelles, empruntés soit aux traditions, soit aux mœurs de la haute société. Vers la fin de sa carrière, ambitieuse de surpasser les auteurs les plus féconds, et pressée par le besoin, elle amoncelait prodigieusement les volumes. Tant de fougue et de précipitation l’empêchèrent de faire œuvre qui dure. La comtesse Dash avait formé, pendant l’année 1864, un choix de ses romans en trente-quatre tomes. Nul de ces livres n’est marqué d’un cachet particulier.


Les ouvrages de {{Mme|d’Arbouville ne parurent qu’après sa mort, comme elle en avait exprimé la volonté. « Le public, dit M. de Barante en les produisant au jour, va connaître une personne qui ne s’occupait pas de lui. » À peine si quelques journaux avaient eu les prémices, et quelques amis les confidences, de ce talent délicat et modeste.

Les trois volumes qui composent l’édition posthume sont formés de poésies et de nouvelles. Les premières, d’une exécution inférieure, reflètent les sentiments les plus élevés du spiritualisme. Je crois, Séparation, Une voix du ciel : ces trois pièces, les meilleures du recueil, produisent dans les âmes religieuses, malgré l’imperfection de la forme, une émotion sereine et bienfaisante. Les nouvelles, Marie-Madeleine, Une vie heureuse, Méfiance n’est pas sagesse, Une histoire hollandaise, Luiggina, et surtout Résignation, le début de l’auteur et vrai petit chef-d’œuvre, ont un intérêt moins restreint. Deux sentiments y dominent : la mélancolie rêveuse et l’esprit de sacrifice.

Mme d’Arbouville avait une âme sensible, ouverte à toutes les émotions tendres. Heureuse d’un bonheur personnel, elle souffrait de la douleur des autres, et sa tristesse se répandait en poétiques rêveries. « Les passions qu’elle peint, les personnages qu’elle crée, les événements qu’elle raconte, elle ne les connaît pas par expérience, ni même par observation, mais par une sorte de réflexion intérieure qui dans cette âme privilégiée était presque de la divination[1]. »

  1. Pontmartin, Dernières causeries littéraires.