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ASILE


On vient d’ouvrir un nouvel asile de nuit, pour les malheureux sans domicile
(Bulletin municipal).


L e rêve d’un asile immense, où, loin du bruit,
Dans la tiède flanelle,
J’hébergerais, ô sort méchant ! tout ce qui fuit
Sous ta dure prunelle :
Tout vagabond glanant au soleil, qui le cuit,
La mûre et la prunelle !
Tout arsouille éreinté ! Tout sacripant réduit.
Ne battant que d’une aile ! —
Et ce serait encore un asile de nuit
Mais… de nuit éternelle !


LES HARPIES


Ils ont pissé partout.
Racine.


P ourquoi pisses-tu la, puisque c’est défendu ?

Oh ! comme tu serais bientôt pris et pendu,
S’il ne tenait qu’à moi ! — Pendu ? C’est pas un crime !
Alors, on ne peut plus rire un brin, pour la frime ?
— Ce n’est pas un délit ni même un crime, en soi,
Mais tu serais pendu, s’il ne tenait qu’à moi.

Car ce fait, pour ténu qu’il paraisse, révèle
Le cloaque incongru qui te sert de cervelle.
Non, pisser là n’est pas, si tu veux, un forfait ;
Mais c’est un symptôme, un « commencement d’effet » ;
C’est le geste éloquent qu’on fait, avant de battre,
C’est le premier pied pris, bientôt suivi de quatre,
C’est l’amorce, la mise en train, le branle, l’œuf
Que l’on vole à l’essai, pour, plus tard, prendre un bœuf,
C’est l’obscur grincement des dents avant la rage,
C’est la maille attaquée, emportant tout l’ouvrage,
C’est le bout de l’oreille, annonçant l’animal !…
Aussi bien, pour trancher la racine du mal,
Il faudrait te trancher en même temps la tête.