Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/104

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caché à tous les yeux. C’était le séjour de la bonne humeur et de la joie ; mais cette sorte de joie ne trouvait point de sympathie dans mon cœur. Les individus qui composaient ce cercle avaient secoué totalement le joug des principes établis parmi les hommes ; leur métier était d’inspirer la terreur, et l’objet constant de leurs soins était d’éluder la vigilance de la société. Toutes ces circonstances influaient visiblement sur leur caractère. Je trouvais en eux de l’affection et de la bienveillance ; ils étaient susceptibles des émotions généreuses. Mais, comme leur situation était précaire, on remarquait aussi la même mobilité dans la disposition de leur âme. Poursuivis sans cesse par l’animosité générale, ils étaient naturellement très-irritables et très-colères. Accoutumés à user de traitements rigoureux envers les victimes de leurs déprédations, il arrivait souvent que leur brutalité ne se renfermait pas dans l’exercice de leur profession. Ils avaient contracté l’habitude de voir dans les bâtons et les poignards le moyen de surmonter toute espèce d’obstacle. Affranchis de cette routine des choses humaines qui énerve les âmes, ils déployaient souvent une énergie à laquelle un observateur impartial n’aurait pu refuser son admiration. L’énergie est peut-être la plus précieuse des qualités de l’homme ; et celle qui se trouve ainsi placée serait sans doute mise à profit par un bon système politique qui saurait en extraire les vertus bienfaisantes, au lieu de la faire tourner, comme on fait, à une aveugle destruction. Nous agissons comme un chimiste qui rejetterait le métal