Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/116

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prit la main, en m’assurant que je n’avais rien à craindre ; que tant que je serais sous leur toit il ne m’arriverait jamais de mal ; et que, quand même les limiers de la justice viendraient à découvrir ma retraite, ils se feraient tous tuer jusqu’au dernier avant qu’on m’ôtât seulement un cheveu de la tête. Je le remerciai de tout mon cœur de sa bonne volonté ; mais je fus surtout vivement touché du zèle et de la chaleur que mon bienfaiteur avait déployés pour moi. Je leur dis que je voyais bien que j’avais affaire à des ennemis inexorables que mon sang seul pouvait apaiser, et je leur attestai, avec l’accent de la vérité, que je n’avais rien fait qui méritât la persécution qu’on exerçait contre moi.

L’ardeur et l’énergie de M. Raymond ne m’avaient rien laissé à faire pour repousser un péril aussi peu prévu. Cet incident fit néanmoins une profonde impression sur mon esprit. Je m’étais toujours fié à quelque retour d’équité de la part de M. Falkland. Malgré toute l’âpreté de ses persécutions, je ne pouvais m’empêcher de croire qu’il les exerçait à contre-cœur, et je me persuadais qu’elles ne seraient pas éternelles. Un homme dont les principes avaient été originairement si pleins d’honneur et de droiture, ne pouvait pas manquer, dans un moment ou dans l’autre, de réfléchir sur l’injustice de ses actes et de se relâcher de son animosité. Cette idée m’avait toujours été présente, et n’avait pas peu contribué à me donner de l’énergie. « Je veux, me disais-je, convaincre mon persécuteur que je vaux plus qu’il ne pense ; il verra que ce n’est