Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/150

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landais qu’il eût jamais été possible d’entendre, et que depuis je l’avais quitté tout d’un coup sans qu’il m’en restât le plus petit accent ; qu’en me fouillant, ils avaient trouvé sur moi quinze guinées ; et comment un malheureux mendiant, tel que je paraissais l’être, aurait-il pu se procurer quinze guinées par des voies honnêtes ? qu’en outre, quand ils m’avaient fait me déshabiller, ils avaient vu que, malgré mes haillons, j’avais la peau plus fine et plus unie que ne l’a communément un homme de ma sorte. Enfin, pour quelle raison un pauvre mendiant, qui n’avait jamais été de sa vie en Irlande, avait-il besoin de s’embarquer pour ce pays ? Il était plus clair que le jour que j’étais un homme dont il fallait s’assurer. Ces raisonnements, joints à quelques clignements d’œil et autres signes d’intelligence entre les plaignants et le juge de paix, amenèrent bientôt celui-ci à l’avis des autres. Il prononça qu’il fallait que j’allasse à Warwick, où il paraissait que l’autre voleur était gardé à présent, et que je fusse confronté avec lui ; qu’alors si le résultat était clair et satisfaisant, je serais acquitté.

Je ne pouvais entendre rien de plus terrible. Moi qui avais trouvé tout le pays armé contre moi, qui étais exposé à des poursuites si acharnées et si actives, me voir à présent traîné jusque dans le cœur du royaume, sans avoir la faculté de m’accommoder aux circonstances et sous la garde immédiate de deux officiers de justice ; c’était une décision aussi foudroyante que si j’eusse entendu mon arrêt de mort. Je me récriai fortement contre l’injustice