Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/157

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pas espérer de faire un pas sans son consentement ; et quand même j’aurais pu réussir à me tirer de ses mains, il ne lui était pas difficile d’appeler les gens de la maison, qui n’étaient pas bien loin. Ajoutez que je n’aurais guère pu prendre sur moi de faire violence à une personne qui avait gagné mon estime et mon affection dès le premier coup d’œil. Enfin mes pensées étaient dirigées d’un tout autre côté. Je sentis un désir ardent de pouvoir appeler cet homme mon bienfaiteur. Poursuivi par une suite d’infortunes, à peine me regardais-je comme tenant encore au monde. J’étais un être isolé, auquel tout accès à la tendresse, à la compassion, à la bonne volonté de l’espèce humaine était interdit. La situation où je me trouvais pour le moment m’excitait à me donner une jouissance que ma destinée semblait m’avoir voulu refuser. Je ne voyais aucune comparaison entre l’idée de devoir ma liberté à la bienveillance naturelle d’un digne et excellent homme et celle de la tenir de la bassesse et de la cupidité des membres les plus méprisables de la société. C’était ainsi qu’au milieu même de l’abîme de maux où j’étais plongé, je me permettais encore des raffinements de délicatesse.

Cédant à cette impulsion, je demandai au vieillard de vouloir bien m’entendre sur les circonstances de l’affaire qui m’avait mis dans l’état où il me voyait. Il acquiesça aussitôt à ma demande, et me dit qu’il se ferait un plaisir d’écouter tout ce que je jugerais à propos de lui communiquer. Je lui exposai que