Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/168

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et de la grêle du soir précédent, je n’eusse pas perdu ma route, ou même si, le matin, je ne me fusse pas laissé retenir si tard par le sommeil, je serais infailliblement tombé entre les mains de ces limiers d’enfer.

La ville à laquelle ils avaient résolu de s’arrêter, et dont j’avais ainsi appris le nom dans la place du marché, était la même ville où, sans cet utile avertissement, j’allais moi-même me rendre immédiatement ; mais, ainsi averti, je pris le parti de m’éloigner au plus vite de cette route. Au premier endroit où j’arrivai, et où la chose fut praticable, j’eus soin de faire emplette d’une capote que je passai par-dessus ma livrée de mendiant, et d’un chapeau que je rabattis sur ma figure. Je couvris un de mes yeux d’un morceau de taffetas vert ; j’ôtai le mouchoir que j’avais sur la tête, et je l’attachai autour de mon menton, de manière à me couvrir la bouche. Je me débarrassai insensiblement de toutes les différentes parties de mon premier accoutrement, et, pour mon vêtement de dessus, je m’affublai d’une espèce de blouse de charretier, qui, n’étant pas trop mauvaise, me donnait assez bien l’air du fils d’un honnête laboureur de la dernière classe. Dans cet équipage, je poursuivis mon voyage ; et après mille inquiétudes, mille précautions et mille circuits, j’arrivai sain et sauf à Londres.