Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/177

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charger. Pour prévenir tout soupçon qui aurait pu naître dans son esprit, je lui dis franchement que pour des raisons qu’elle me pardonnerait sûrement de ne pas dire, mais qui ne m’ôteraient rien de sa bonne opinion, si elle les connaissait, je me trouvais, quant à présent, dans la nécessité de me tenir tout à fait retiré. Je n’eus pas besoin de m’expliquer davantage, et elle me répondit qu’elle ne désirait pas en apprendre plus que je ne jugerais à propos de lui en dire.

Mes premières productions furent dans le genre poétique. Quand j’eus achevé deux ou trois pièces, je les remis à cette généreuse amie, pour les porter à un bureau de journal politique ; mais elles furent refusées avec dédain par l’aristarque du lieu, qui, après avoir jeté un coup d’œil superficiel sur mes vers, fit réponse que ce n’était pas là ce qu’il lui fallait. Je ne puis m’empêcher de dire ici que la contenance de Mrs. Marney (c’était le nom de mon ambassadrice) était dans tous les cas une indication parfaite de l’issue de son message, et qu’on était dispensé de lui demander aucune explication de vive voix. Elle se livrait à tout ce qu’elle entreprenait avec un dévouement si parfait, et elle y prenait un tel intérêt, qu’elle était bien plus vivement affectée que moi-même du bon ou du mauvais succès. Pour moi, j’avais dans mes ressources une confiance qui me rassurait, et, occupé comme je l’étais de réflexions d’une nature bien autrement intéressante, je regardais tous ces petits contre-temps avec indifférence.