Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/185

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meurait vis-à-vis, et qui s’était levée de très-bonne heure ce même matin pour faire le savonnage de son linge, m’avait vu par sa fenêtre, à la lueur d’une grosse lanterne qui pendait devant l’auberge, au moment où je franchissais la porte. Elle n’avait pu m’observer que très-imparfaitement, mais elle se figurait néanmoins qu’il y avait dans mon air quelque chose de juif. Elle avait coutume de tenir tous les matins avec l’hôtesse une conversation à laquelle assistaient de temps en temps les garçons et les filles de l’auberge. Dans le cours de la conférence qui avait eu lieu dans cette matinée, elle avait fait quelques questions sur le juif qui avait couché la veille dans la maison. On n’avait pas eu de juif à coucher ; la curiosité de l’hôtesse avait donc été excitée à son tour. D’après l’heure, ce ne pouvait pas être un autre que moi. Voilà une aventure vraiment fort étrange ! On avait comparé ensemble les différentes remarques sur mon air et sur mon habillement. Jamais deux choses n’avaient eu moins de rapport. Toutes les fois qu’il y avait entre ces commères disette de nouvelles pour entretenir leur babil, c’était le juif-chrétien qui revenait sur le tapis et qui fournissait un texte à la conversation.

Les informations que Gines avaient recueillies dans cet endroit paraissaient d’une grande conséquence ; néanmoins, il se passa quelque temps sans qu’elles tinssent tout ce qu’elles avaient semblé promettre. Il ne pouvait pas s’introduire dans chacune des maisons particulières où l’on recevait du monde pour loger, avec la même facilité qu’il l’avait fait