Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et vous, M. Spurrel… » Il eut un tressaillement terrible. Au moment où je me déclarai, sa joie avait été extrême, et il ne lui avait pas été possible de la contenir. Mais mon apostrophe inattendue et le ton dont je la lui adressai le foudroyèrent. « Est-il possible, continuai-je, que vous ayez été assez bas et assez pervers pour me trahir ? Que vous ai-je fait pour mériter un pareil traitement de vous ? C’est donc là la tendresse que vous me témoigniez ? cet amour de père que vous aviez sans cesse à la bouche ? Vous me livrez à la mort ?

— Mon pauvre garçon, mon cher enfant ! s’écria Spurrel du ton le plus dolent et le plus humble, en vérité, en vérité, je n’ai pas pu faire autrement ! Allons, allons, j’espère bien qu’on ne lui fera pas de mal, à ce pauvre ami ! Si cela arrivait, je suis sûr que j’en mourrais.

— Misérable hypocrite ! interrompis-je avec l’accent de l’indignation, vous me mettez dans les cruelles serres de la justice, et vous espérez, dites-vous, qu’il ne me sera pas fait de mal ! Allez, je sais d’avance mon arrêt, et je suis prêt à le subir ! Vous m’attachez de votre propre main la corde au cou, et, pour le même prix, vous en eussiez fait autant à votre fils unique ! Allez compter vos maudites guinées ! Ma vie eût été plus en sûreté entre les mains du premier venu que dans les vôtres, artificieux crocodile, qui caressez pour dévorer. »

J’ai toujours pensé que ma maladie et l’approche apparente de ma mort avaient contribué à la trahison