Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/248

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Je ne saurais décrire les sensations que me causa cette lecture. C’était la terrible confirmation du malheur qui m’enveloppait de tous côtés ; mais ce qui m’affligea le plus fut la froideur avec laquelle ces lignes étaient écrites. Tant d’indifférence de la part de Laura, ma consolatrice, mon amie, ma mère ! Se séparer de moi, me renvoyer, me chasser pour toujours, sans un regret !

Je résolus, malgré sa défense, d’avoir une explication avec elle. Je ne désespérais pas de surmonter son antipathie. Je ne doutais pas que je parviendrais à la faire revenir de cette décision indigne d’elle qui condamnait un homme sans l’entendre. Le lendemain je franchis la barrière de son jardin, et m’y cachai à l’heure que je savais qu’elle consacrait habituellement à sa promenade. Je voulus la surprendre, quoique j’eusse pu obtenir une entrevue à force de la réclamer. C’était ne pas courir le risque de la trouver irritée contre moi par mon obstination. Je vis passer les enfants qui se rendaient dans la campagne, et je soupirai en pensant que je les voyais peut-être pour la dernière fois. Leur mère parut ensuite, et je remarquai sur son visage sa douceur et sa sérénité accoutumées. Mon cœur battait violemment ; mon trouble était extrême : je sortis de ma cachette, et je hâtai le pas à mesure que je m’approchai de Laura.

« Pour l’amour du ciel, madame, m’écriai-je, écoutez-moi, ne m’évitez pas ! »

Elle s’arrêta. « Non, monsieur, reprit-elle, je ne vous éviterai pas ; je vous avais prié de me dis-