Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/279

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que mes pensées fussent si solennelles et mon esprit rempli d’affreux présages ? Ma résolution prise, je partis de Warwick pour me rendre à la ville principale du comté dans lequel réside M. Falkland. Je savais que Gines était à ma suite. Je ne m’en inquiétais pas. Il avait lieu de s’étonner de la route qu’il me voyait prendre, mais il lui était impossible de dire quel dessein m’y conduisait. Mon projet était un secret soigneusement renfermé dans mon sein. Ce ne fut pas sans un frisson de terreur que j’entrai dans une ville qui avait été si longtemps le théâtre de mon affreuse détention. Au moment de mon arrivée, pour ne pas donner à mon adversaire le temps de contre-miner mes opérations, je me rendis sur-le-champ à la demeure du premier magistrat.

Je lui déclarai qui j’étais, et lui dis que je venais d’une des extrémités du royaume, exprès pour le rendre dépositaire d’une dénonciation de meurtre contre mon ancien maître. Mon nom lui était déjà familier. Il me répondit qu’il ne pouvait pas prendre connaissance de ma déposition, que j’étais l’objet de l’exécration universelle dans ce lieu ; et qu’il était bien résolu à ne servir pour rien au monde d’instrument à ma perversité.

Je l’avertis de bien prendre garde à ce qu’il allait faire ; je lui représentai que je ne demandais de lui aucune grâce et que je m’adressais seulement à lui pour réclamer l’exercice légal de ses fonctions. Prétendrait-il me dire qu’il avait le droit de supprimer, à sa volonté, une dénonciation d’une nature aussi