Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/99

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— Quelle raison a pu vous porter à agir envers lui d’une manière aussi cruelle ?

— Une assez bonne raison, pardieu ! il n’avait pas d’argent.

— Comment ! vous l’avez ainsi maltraité, sans avoir été seulement provoqué de sa part par la moindre résistance !

— Si fait, il a résisté. Je n’ai fait que le pousser un peu, et il a eu l’imprudence de me frapper.

— Gines, vous êtes un incorrigible coquin.

— Bah ! que signifie ce que je suis ? Vous, avec votre compassion et vos beaux sentiments, vous nous mènerez tous au gibet.

— Je n’ai rien à vous dire. Je n’espère rien de vous. Camarades, c’est à vous de prononcer sur la conduite de cet homme, comme vous le jugerez à propos. Vous savez combien de fois il est retombé en faute ; vous connaissez toutes les peines que je me suis données pour le corriger. Ce qui nous dirige dans notre profession, c’est la justice. (Tant la prévention a l’art de revêtir des plus belles couleurs la plus mauvaise cause du monde, quand une fois on a pris le parti de la suivre.) Nous autres voleurs non patentés, nous sommes en guerre ouverte avec une autre classe d’hommes qui volent suivant la loi. Avec une telle cause à soutenir, voudrions-nous la souiller par des actes de cruauté, de vengeance et de méchanceté ?…… Par suite de nos principes, un voleur est un homme qui vit au milieu de ses égaux ; ainsi je ne prétends pas m’arroger d’autorité sur vous ; faites comme vous le