Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/114

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plice dans la trame qu’il ourdissait contre miss Melville.

Les choses ainsi disposées, M. Tyrrel, par l’entremise de sa geôlière (car l’épreuve qu’il avait faite d’une discussion personnelle ne l’avait pas engagé à réitérer ses visites), commença par se jouer de sa victime en redoublant ses terreurs. Cette méchante femme, tantôt sous une apparence d’amitié, tantôt sans dissimuler sa malice, informait Émilie, de temps à autre, des préparatifs qui se faisaient pour consommer son mariage. Un jour, c’était M. Tyrrel qui était allé voir une jolie petite ferme qu’il destinait pour habitation aux nouveaux mariés ; un autre jour, c’était un fonds de bétail et des meubles de ménage qu’on venait d’acheter pour que tout fût prêt pour leur réception. Ensuite elle se mettait à lui parler d’une dispense de bans de mariage, d’un ministre qu’on avait fait avertir, et d’un jour qu’on avait fixé pour les noces. Lorsque Émilie, malgré la frayeur involontaire qui la gagnait de plus en plus, s’efforçait néanmoins de tourner en ridicule tous ces préparatifs comme tout à fait illusoires, tant qu’on n’aurait pas son consentement, la maligne gouvernante lui racontait mille histoires de mariages faits par force, et l’assurait que ni les protestations, ni le silence, ni un évanouissement ne pouvaient jamais servir à rien, soit pour suspendre la cérémonie, soit pour en éluder l’effet, quand une fois elle était accomplie.

La situation de miss Melville était tout à fait digne de pitié ; elle n’avait de commerce qu’avec ses persécuteurs. Elle n’avait pas autour d’elle un être