Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/139

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tune de M. Tyrrel. C’était le faon en guerre contre le lion. Rien n’était plus facile que de prévoir qu’il ne lui servirait de rien d’avoir le bon droit de son côté, quand son adversaire avait du sien la richesse et le crédit pour légitimer tous les excès qu’il jugerait à propos de commettre. Cette façon de voir fut parfaitement justifiée par l’événement ; la richesse et le despotisme savent bien les moyens de s’étayer dans leur oppression de l’appui de ces mêmes lois, que peut-être dans l’origine d’aveugles législateurs crurent instituer pour la sauvegarde du pauvre.

Dès ce moment, M. Tyrrel jura la ruine d’Hawkins, et il ne négligea aucun moyen de vexer ou d’outrager le malheureux objet de sa persécution. Il lui ôta son emploi de bailli ou adjoint de son intendant, et enjoignit à Barnes, ainsi qu’à tous ses autres gens d’affaires, de lui rendre les plus mauvais offices possibles dans toutes les circonstances. M. Tyrrel avait, par les titres de sa baronnie, l’inféodation des grandes dîmes, ce qui lui fournissait de fréquentes occasions de susciter des tracasseries. Une partie des terres de la ferme de Hawkins, quoique ensemencée en blé, était plus basse que les terres voisines, et par là exposée de temps en temps aux inondations d’une rivière qui la bornait. M. Tyrrel avait sur cette rivière une écluse qu’il fit secrètement détruire quinze jours avant la moisson, ce qui noya la récolte. Il donna ordre en outre à ses domestiques de renverser pendant la nuit les haies des terres plus élevées, et d’y pousser le bétail pour perdre le reste de la moisson. Tous ces