Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/16

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par mes contemporains. Dans mon histoire, du moins, on remarquera cette logique qui n’accompagne en général que la vérité.

Je suis né dans une des provinces éloignées de l’Angleterre, d’une famille pauvre et obscure. Mes parents, livrés aux travaux auxquels les paysans sont généralement destinés, ne pouvaient me donner de leur vivant qu’une éducation protégée contre les pièges ordinaires de la corruption, et après eux une honnête réputation pour héritage : héritage, hélas ! perdu depuis longtemps pour leur malheureux fils. On me fit apprendre, pour toute science, à lire et à écrire, avec les éléments de l’arithmétique ; mais j’avais l’esprit curieux, très-avide d’instruction, et je ne négligeai aucun des moyens que la conversation ou la lecture pouvaient me fournir pour acquérir des connaissances : aussi mes progrès allèrent-ils plus loin que ma situation ne semblait le permettre.

Quelques autres circonstances ne laissèrent pas dans la suite d’exercer leur influence sur l’histoire de ma vie. D’une taille un peu au-dessus de la moyenne, sans être en apparence d’une constitution athlétique, j’étais pourtant doué d’une vigueur et d’une agilité peu communes. J’avais les membres souples, et j’étais fait pour exceller dans tous les exercices de la jeunesse ; mais les habitudes de mon esprit ne me portaient guère à placer ma vanité dans ce genre de supériorité. La gaieté bruyante des jeunes galants du village ne m’inspirait que de l’aversion, et je préférai me faire remarquer à mon