Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/18

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vince[1] extrêmement riche. L’intendant de ce gentilhomme, M. Collins, qui avait occasion de venir de temps en temps chez mon père, me distingua de fort bonne heure ; charmé des progrès qu’il me voyait faire, il parla à son maître de mon esprit et de mes dispositions naturelles dans les termes les plus favorables.

Dans l’été de l’année…. M. Falkland, après une absence de plusieurs mois, vint visiter la terre qu’il possédait dans notre province. Ce fut là pour moi une date funeste ; j’avais alors dix-huit ans, mon père venait de mourir ; j’avais perdu ma mère quelques années avant. C’est dans cet état de délaissement que je reçus, à mon grand étonnement, un message de la part du squire pour me rendre au château le lendemain de la mort de mon père.

J’avais étudié dans les livres, mais il me manquait la connaissance pratique des hommes ; jamais je n’avais eu occasion de me présenter devant une personne d’un rang aussi élevé, et je ne pus me défendre, en cette circonstance, d’un peu d’embarras mêlé de crainte. Je trouvai dans M. Falkland un homme d’une petite taille, avec les formes les plus délicates. Au lieu de ces visages rudes et sans flexibilité que j’avais l’habitude de voir, c’était une physionomie où il n’y avait pas un muscle et pas un trait qui ne fussent comme l’expression d’une pensée significative. Ses manières étaient douces, affables, pleines de bonté : ses yeux étaient vifs ;

  1. Le squire est, en Angleterre, le propriétaire principal d’un domaine : ce mot correspond à celui de laird en Écosse.