pusse réclamer la tendresse et les bons offices ; mais, bien loin de me sentir effrayé de cet abandon, je me livrais aux visions les plus brillantes sur le poste que j’allais occuper. J’étais loin de soupçonner que cette gaieté et cette douce insouciance dont j’avais joui jusqu’alors allaient bientôt me déserter pour jamais, et que le reste de mes jours était dévoué à des alternatives continuelles d’alarmes et de douleur.
Mon emploi était facile et agréable. Il consistait en partie à transcrire et à mettre en ordre quelques papiers, en partie à écrire, sous la dictée de mon maître, des lettres d’affaires ou quelques morceaux de littérature. Ceux-ci étaient pour la plupart des extraits analytiques de compositions de différents auteurs avec des réflexions et des idées nouvelles sur la matière qu’ils traitaient, et qui avaient pour objet ou de réfuter leurs erreurs, ou de pousser plus loin leurs découvertes. Tous ces essais portaient l’empreinte d’un esprit profond et élégant, riche en connaissances littéraires, doué d’une activité et d’une finesse de discernement peu communes.
Chargé des fonctions de bibliothécaire, aussi bien que de celles de secrétaire, je logeais dans la partie de la maison destinée aux livres. Là, mes moments auraient pu s’écouler dans la plus douce tranquillité, si ma nouvelle situation ne m’eût pas placé dans des circonstances totalement différentes de celles où j’étais naguère sous l’humble toit de mon père. La lecture et la méditation avaient de très-bonne heure absorbé toutes les facultés de mon