Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/235

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ractère de dignité, de circonspection et de prudence ; il savait si bien commander le respect et l’obéissance ; il régnait dans ses manières tant d’égards et de politesse que, bien loin qu’il eût rien perdu de la confiance des malheureux, tous les environs ne retentissaient que de ses louanges.

J’étais présent à l’examen de l’affaire de ce paysan. Dès l’instant que j’avais appris le sujet qui amenait cette foule de survenants, une idée m’avait soudain frappé. J’avais conçu la possibilité de faire servir cet incident à la grande recherche qui absorbait toutes mes facultés. Je me dis : Cet homme est accusé de meurtre, et le mot seul de meurtre est le grand ressort de la sensibilité de M. Falkland. Je vais l’observer ; je ne le perdrai pas un instant de vue ; je veux suivre pas à pas le dédale de ses pensées ; à coup sûr, voici le moment où le secret de son âme va se dévoiler dans ses traits ; à coup sûr, si j’y mets bien tous mes soins, je vais le voir condamner ou absoudre par le plus redoutable et le plus infaillible des tribunaux.

Je pris mon poste de la manière la plus favorable à l’objet qui m’occupait tout entier. Quand M. Falkland entra, il me fut aisé d’apercevoir dans sa figure une extrême répugnance pour l’affaire dont il était obligé de s’occuper ; mais il n’y avait pas pour lui possibilité d’éluder. Sa contenance était inquiète et embarrassée. À peine aperçut-il une seule des personnes de l’assemblée. Il n’y avait pas longtemps que l’examen de l’affaire était commencé, lorsqu’il vint à tourner les yeux vers l’endroit de la salle où