Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/279

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déjà causé tant d’inquiétudes à M. Falkland. Alors elle avait lieu ouvertement et sans mystère ; ainsi la présomption était qu’elle n’avait pour objet rien qui fût dans le cas d’être caché. Mais l’entrevue actuelle, en la supposant concertée, devait avoir toutes les apparences d’être clandestine et devait doublement me compromettre auprès de mon maître. C’était avec les plus terribles menaces qu’une relation avec M. Forester m’avait été défendue, et M. Falkland n’ignorait pas quelle profonde impression ces menaces avaient faite sur mon imagination. Ainsi une telle rencontre ne pouvait pas avoir été concertée pour un objet ordinaire. Tel était mon crime ; telle était l’angoisse affreuse que devait causer ma présence en ce lieu ; je pouvais bien supposer que la peine qui m’était réservée y serait proportionnée. Les menaces de M. Falkland retentissaient encore à mon oreille, et j’étais dans un vrai transport de terreur.

La conduite du même homme est souvent si variable selon les circonstances, qu’elle est difficile sinon impossible à expliquer. Dans cette crise si terrible pour lui, M. Falkland ne parut pas le moins du monde irrité. Il me regarda d’abord avec un étonnement muet ; mais la minute d’après, pour ainsi dire, il fut parfaitement calme et maître de lui-même. S’il en eût été autrement, je ne doute pas que je n’eusse osé entamer une explication, et y mettre tant de franchise et d’assurance, qu’elle n’eût pu produire qu’un très-bon effet pour moi. Mais, dans cet état de choses, je me laissai subju-