Les opinions politiques de Godwin se retrouvent dans l’ouvrage qu’il fit succéder à la Justice politique : il est très-probable que l’idée première de Caleb Williams était une satire des institutions anglaises ; il en reste bien quelque chose encore ; mais, dans la chaleur de la composition, Godwin se laissa volontiers aller à développer la partie purement romanesque de son sujet, et nous n’avons qu’à nous en féliciter, car il en est résulté un beau roman philosophique plutôt qu’une œuvre d’opposition partiale, un de ces ouvrages qui se placent dans la littérature à côté des plus originales créations du génie. Godwin consacra une année entière à cette composition. Son libraire, M. Robinson, s’était engagé à le nourrir et à lui faire une avance mensuelle jusqu’à l’achèvement du dernier volume. Il attendit le manuscrit avec une généreuse patience dont il fut bien récompensé par le succès. Peut-être, sans le désir qu’avait l’auteur de s’acquitter avec l’éditeur, Caleb n’eût pas vu le jour ; car, Godwin ayant montré une partie de son travail à un ami, celui-ci lui conseilla franchement de le jeter au feu, de peur que le public n’en fît justice.
« Ce sera, lui déclara-t-il, le tombeau de votre réputation littéraire. »
Godwin fut pendant quelques jours fort embarrassé, tant un pareil avis, de quelque part qu’il vienne, décourage facilement un pauvre auteur, et Godwin n’avait pas de ces vanités imperturbables qui n’ont foi qu’en elles-mêmes ; mais enfin il reprit confiance, et le public donna tort à son critique.
Godwin nous a révélé que, pour se monter l’imagination, il lisait dans les intervalles de sa composition quelque histoire sombre, tantôt la Vie des