Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/56

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moindre sens. Nous avons besoin d’hommes tels que vous ; mais souvenez-vous bien, jeune homme, que ce n’est pas pour enfanter des chimères oiseuses, c’est pour éclairer le monde que le ciel a fait aux hommes le don du génie. Élevez-vous à la hauteur de vos destinées. »

Un instant après, M. Clare, quittant son siége, se retira avec M. Falkland et deux ou trois autres personnes. Aussitôt qu’ils furent sortis, M. Tyrrel s’avança un peu plus en dedans du cercle. Il avait été si longtemps réduit au silence, qu’il semblait prêt à étouffer d’indignation : « Vraiment, dit-il, comme se parlant à lui-même, et sans adresser la parole à personne, c’est une belle chose que des vers. Dieu me damne, je voudrais un peu savoir ce qu’on ferait d’une cargaison entière d’une telle marchandise.

— Assurément, dit la dame qui avait la première parlé de l’ode de M. Falkland, vous ne disconviendrez pas que la poésie ne soit un amusement très-noble et très-agréable.

— Très-noble ! Parbleu, oui. Voyez un peu ce Falkland ! Voilà-t-il pas un beau petit homme ? Au nom du diable, madame, est-ce que vous croyez qu’il ferait des vers s’il était en état de mieux faire autre chose ? »

La conversation ne s’arrêta pas là. La dame répliqua. Quelques autres personnes encore, toutes remplies des émotions qu’elles venaient d’éprouver, se mirent de la partie. M. Tyrrel devint plus emporté dans ses invectives, et se soulagea en exhalant sa bile. Les personnes qui pouvaient, à certain point,