Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/73

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trouvez mieux, » dit Falkland à demi-voix, comme craignant de le troubler. M. Clare sortit sa main hors du lit et la lui tendit ; M. Falkland s’avança et la pressa dans la sienne. « Beaucoup mieux, dit M. Clare d’une voix sourde et à peine articulée ; c’en est fait ; ma tâche est finie… Adieu ;… souvenez-vous… » Ce furent là ses derniers mots. Il vécut encore quelques heures ; ses lèvres semblaient quelquefois se mouvoir ; il expira sans faire entendre une seule plainte.

Toute cette scène avait extrêmement agité M. Falkland. L’espérance qu’il conservait d’une crise favorable et la crainte de troubler les derniers moments de son ami l’avaient rendu muet. Pendant la dernière demi-heure, il était resté, immobile, les yeux fixés sur M. Clare ; il épiait la moindre soupir, le plus léger mouvement du malade. Il resta encore dans la même attitude ; il croyait quelquefois voir la vie reparaître sur ces traits insensibles. À la fin, renonçant à se tromper lui-même, il s’écria douloureusement : « C’en est donc fait !… »

Il voulait se précipiter sur le corps de son ami ; les assistants le retinrent et cherchèrent à l’entraîner dans une autre chambre ; mais il se débattait entre leurs bras, et se penchait violemment vers ce lit de douleur :

« Voilà donc ce qui reste de tant de génie, de tant de vertus, de l’assemblage des plus belles qualités ! La lumière du monde est disparue pour jamais ! oh ! hier, hier !….. Clare, pourquoi ne suis-je pas mort à votre place ! moment terrible ! perte irré-