Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/84

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hasard dans le monde, son éventail qu’il avait ramassé, une tasse vide dont il l’avait débarrassée, en un mot, la prévenance la plus simple faisait palpiter ce jeune cœur, et naître dans cette imagination abusée les chimères les plus romanesques.

Vers ce temps à peu près, il survint un événement qui aida beaucoup à donner une détermination précise aux idées confuses qui agitaient miss Melville. Peu après la mort de M. Clare, M. Falkland avait été appelé un soir à la maison de son défunt ami, par des affaires relatives à sa qualité d’exécuteur testamentaire ; et quelques incidents, peu importants au fond, l’y avaient retenu trois ou quatre heures plus tard qu’il ne comptait rester. Il ne quitta la maison, pour s’en retourner chez lui, que vers les deux heures du matin. Dans un lieu aussi éloigné de la métropole, à une pareille heure, il règne un silence aussi parfait que dans une région tout à fait inhabitée. Il faisait un beau clair de lune et tous les objets environnants, marqués par de fortes variations d’ombre et de lumière, sans être en même temps vus d’une manière très-distincte, imprimaient à cette scène une sorte de solennité religieuse. M. Falkland avait amené avec lui M. Collins, parce que l’affaire qu’il s’agissait de régler chez M. Clare avait quelque rapport avec celles qui composaient les fonctions habituelles de ce fidèle serviteur. Ils étaient à causer ensemble, car M. Falkland n’avait pas alors pris l’habitude de ces formes graves et réservées qui rappellent sans cesse son rang à ceux qui l’approchent. Charmé du spectacle